Il a commencé à faire du rap à l'âge de 13 ans. Et c'est avec des amis qu'ils montent pour la première fois sur scène, à Sarrebourg, sa ville natale. Marseillais d'adoption et amoureux de la cité phocéenne, il a créé son propre groupe « Kraftsmen » avant d'écrire un son sur Marcelo Bielsa. Ce passionné d' « El Loco » a également sorti le clip « Tacle à la Mozer » en référence au défenseur brésilien. Rencontre avec Adikson, un artisan du rap !
Vous avez commencé à faire du rap à l'âge de 13 ans avec des amis ?
C’est ça. Tout a commencé quand la municipalité où j’habitais en Lorraine à lancer des ateliers breaks. À savoir que le hip-hop n’était pas le style musical le plus connu dans ma région à cette époque-là. Avec mes potes, on a très vite vu que l’on était ridicule à faire de la danse hip-hop. On s’est donc tourné vers des ateliers d’écriture que la municipalité avait également mis en place. Avec des moyens rudimentaires, un post cassette, une feuille blanche, un stylo et on se réunissait dans une petite salle d’une MJC en rappant sur des phases B, c’est-à-dire les instrus des rappeurs connus comme IAM par exemple. On s’exerçait comme ça et j’écoutais déjà beaucoup de rap français.
Un rappeur vous a bouleversé par ses textes ?
Sako du groupe « Chien de Paille », c’est pour moi la plus belle plume du rap français. Des classiques comme « Maudits soient les yeux fermés » (1998) ou « Comme un Aimant » (2000). C’est un rappeur cannois qui formait le duo « Chien de Paille » avec le beatmaker Hal. Il m’a énormément influencé dans le sens où c’était quelqu’un qui documentait énormément ces récits. Il savait raconter des histoires, ce que l’on appelle le storytelling dans le rap. Et ce côté lyriciste et parolier, il a développé par la suite en devenant parolier de grands noms de la chanson française comme Anggun ou Julie Zenatti.
Vous êtes né à Sarrebourg en Lorraine, vous rêviez de venir vivre à Marseille ?
J’ai commencé à penser à venir vivre à Marseille dès mon adolescence. Je connaissais la ville en allant ponctuellement voir des matches de l’OM avec mon parrain et mon père. Je ne connaissais que le vieux-port et les allées Gambetta parce que l’on allait récupérer nos places de stades là-bas. J’ai connu Marseille à travers les chansons des groupes comme IAM, Troisième Oeil, la Fonky Family, K-Rhyme Le Roi et Carré Rouge.
Est-ce que l'on vous a déconseillé de venir dans le Sud ?
Dans le sud, non. Si j’avais choisi de vivre à Nice ou Cannes on ne me l’aurait pas déconseillé. En revanche, à Marseille, oui. À cause de la réputation sulfureuse de la ville. Tout ce que l’on pouvait entendre avec les règlements de comptes, le trafic de drogue. C’est une réputation qui n’est pas usurpée, mais qui est quand même assez exagérée. Après, je peux comprendre que dans ma famille ou mon entourage, il y est eut des craintes car j’avais aussi 17 ans.
Aujourd'hui, c'est une passion ou un métier ?
C’est une passion. Si c’était un métier, j’en vivrais tout simplement. Je n’ai jamais gagné ma vie avec la musique, ce n’était pas le but. Modestement, le talent ça se travaille. Apparemment, j’en ai un petit peu, mais pas assez en tout cas pour pouvoir en vivre. Il faut se rendre à l’évidence, je fais de la musique avec mes moyens, le temps qu’il m’est donné et surtout avec la passion. C’est-à-dire que quand je souhaite sortir un son, je le sors, car ça va au feeling et que je suis inspiré sur un thème.
C'est trop tard pour en vivre ?
Oui, c’est trop tard pour en vivre. J’ai la chance de faire un métier qui me comble, qui me plaît et qui m’a fait évoluer. Du coup, je ne ressens pas le besoin de pouvoir vivre de la musique parce que je suis une personne très casanière. Je suis attaché à mes proches, à ma famille. J’ai besoin d’avoir des repères donc tout le côté tournées, partir dans les quatre coins de la France, ça ne me fait pas rêver et ça me fait même peur. Je sais que venant de la part d’un rappeur, c’est un peu dur à entendre mais ça ne m’empêche pas de voyager et de découvrir le monde.
Vous êtes le fondateur du groupe Kraftsmen (Les Artisans) avec Timbo King et Soul Street. Quelles ambitions aviez-vous ?
Soul Street est un groupe marseillais qui faisait du rap au milieu des années 90. Timbo King n’est plus à présenter. Il est membre des « Wu-Tang Killa Bees » qui est multiple disque d’or notamment pour le morceau « La Saga » avec IAM sur l’album « L’École du micro d’argent » (1997). À l’époque en 2013, c’était en pleine période où Marseille était la capitale Européenne de la culture. Et de très nombreux groupes de rap se plaignaient du manque d’aide de cet événement-là justement. Ils avaient annoncé des subventions massives et une aide aux artistes, associations, structures et studios. Une aide qui n’est jamais arrivée ou alors de manière épisodique.
Le groupe Kraftsmen avec Adikson, Soul Street et Timbo King
Vous vouliez donc montrer que vous n’aviez pas besoin d’aide ?
On s’est donc dit qu’il fallait frapper un grand coup et que l’on était capable de faire quelque chose de nous-mêmes. C’était la logique du « Do It Yourself ». On voulait que ce soit carré et montré que sans aide ni subventions, on pouvait sortir un son. On a donc signé un contrat de distribution avec Musicast qui s’est ensuite fait connaître pour avoir distribué Jul. Timbo King est venu vivre en résidence à Marseille pendant quelques semaines à nos frais.
C’était difficile de travailler avec la notoriété de Timbo King ?
Je le connaissais déjà car j’avais bossé sur un morceau avec lui en 2011 pour mon premier EP. Je l’avais rencontré à New York, on avait également tourné un clip. Ce n’était pas forcément compliqué, je n’ai pas le barrage de la langue, je maîtrise bien l’anglais donc je faisais un peu le traducteur avec l’artiste. Il y a eu un super feeling, il connaissait déjà Marseille pour avoir bossé avec IAM. Il n’avait donc aucun à priori et aucune crainte sur le fait de venir à Marseille. Il était connu ici, il a été très bien accueilli et il ne nous a absolument pas regardé de haut. Il nous a donné plein de conseils et pendant les heures de studios, on ne s’est jamais dit avec les autres membres du groupe que l’on était avec un ovni dans le studio. On avait l’impression que c’était un pote.
Vous lui avez apporté une « French Touch » où c’est plutôt lui qui a apporté un effet américain ?
Apporter une « French Touch » au rap américain s’est complètement galvaudé dans le sens où le rap américain n'a besoin d’être inspiré de personne. En revanche, une « US Touch » dans le rap français a été monstrueuse dès le départ. Il n’y a pas un rappeur français qui ne va pas te dire qu’il s’est inspiré des États-Unis. Avant de rencontrer Timbo King, j’ai été très largement influencé par des artistes comme Scarface du groupe « Geto Boys », le « Wu-Tang Clan ». Il y avait aussi Sean Price, je pourrais t’en citer pleins. Et aujourd’hui, je n’écoute pas de rap français.
Adikson feat Timbo King « School Benches »
Comment voyez-vous le rap français évolué ?
Je le vois plutôt bien évolué dans le sens où on est sortis de cette époque assez récentes où on critiquait les nouveautés parce que ça sonnait trop moderne et on critiquait les vieux trucs parce que c’étaient trop anciens combattants. Moi, je vais à des concerts de rap dit à l’ancienne à Marseille. Et je vois beaucoup de jeunes d’une vingtaine d’années qui s’intéressent à des groupes qui ont quarante-cinq ans de moyenne d’âge. Je trouve ça cool. Beaucoup de jeunes s’intéressent à l’histoire du rap avec des anciens groupes. Même moi, je ne suis pas vieux, j’ai la trentaine passée et ça ne m’empêche pas de m’intéresser à la nouveauté du genre PNL dont je suis très fan.
Combien de concerts avez-vous fait ?
J’ai dû en faire entre vingt et trente. C’est paradoxal, comme beaucoup de personnes qui prennent le micro sur scène, je stresse beaucoup avant.
Adikson sur les planches du Molotov - 13006 Marseille
Un petit rituel avant de monter sur scène ?
Oui, il faut bien manger. Une cuillère de miel pour chauffer la voix et surtout ne pas répéter ces textes du moins pas le jour même. J’adore les concerts dans des salles que je connais. C’est un peu la notion de facilité. Quand je te dis que j’ai fait entre vingt et trente concerts, beaucoup ont été dans les mêmes salles.
Une scène que vous aimeriez découvrir ?
À part Marseille, j’ai fait Strasbourg, Metz, Aix aussi dans la région. S'il y a une scène que j’aimerais faire, c’est celle de la salle des fêtes à Sarrebourg. Un retour aux sources dans ma ville natale avec ma famille, mes potes et les gens de ma ville. Après, s'il y a une scène que j’affectionne tout particulièrement, c’est le Molotov à Marseille. Une salle géniale car quand on y rentre, on ressent zéro pression alors que l’on doit faire face à un public très exigeant, qui vient avant tout pour écouter du bon son et faire la fête. J’aime cette notion de proximité.
En 2014, à l’arrivée de Marcelo Bielsa à l’OM, vous réalisez un clip en référence à l’entraîneur argentin en compagnie du Muge Knight. El Loco l'a vue ?
Aucune idée. Je sais juste que ça été relayé par des médias argentins et des supporters des Newell’s Old Boys, son club d’origine. J’espère qu’il l’a vu ou entendu parler du clip. Ce que j’ai su un peu plus tard, c’est que le clip avait fait grincer des dents au sein du club.
BIELSA - Adikson feat Muge Knight
Le succès du clip avec plus de 50 000 vues sur Youtube montre à quel point les supporters Phocéens ont été des aficionados de l’ex-entraîneur des Newell’s Old Boys ?
Je me rends compte que même si je ne suis pas Marseillais de naissance, à Marseille, on aime bien les fortes personnalités. Bielsa, c’est soit on aime soit on déteste. Quand on a sorti le morceau, même ses détracteurs ont déliré sur le clip. Ils venaient nous voir et nous disaient que l’on avait poussé le délire vachement loin avec la Bielsa Mobile, les fumigènes. Il y a des anecdotes en pagaille à raconter notamment l’annonce que l’on avait fait paraître la veille dans les colonnes de La Provence. On avait besoin de monde et on tournait près d’une calanque. D’autres médias ont aussi lu l’annonce et on s’est retrouvé à donner une conférence de presse improvisée avec Libération, France 3, RMC, L’Équipe et le Canal Football Club. Il faut savoir que les mecs de Canal avaient retourné leurs K-way Canal pour ne pas se faire griller par les supporters présents.
Pourquoi lui et pas un autre comme Didier Deschamps par exemple ? C’est une histoire de charisme ?
J’ai toujours marché au coup de cœur. Didier Deschamps, j’ai un respect infini pour ce mec. Comment faire pour ne pas avoir de respect pour lui ? Il a tout gagné, c’était notre capitaine en 93 même s'il a beau avoir un jeu pourri avec des équipes pas forcément très agréables à regarder jouer. Il nous a fait gagner le titre en 2010, chose que Bielsa n’a pas réussi à faire. Mais Bielsa, c’est la saison où je me suis le plus régalé. Les matches à domicile étaient complètement fous. Je me souviens du match contre le PSG à domicile (2-3, dimanche 5 avril 2015) où tu tiens tête quand même aux Parisiens et que tu pouvais même jouer le titre.
Adikson aux côtés de Marcelo Bielsa
Vous continuez à suivre ses aventures en Angleterre avec le club de Leeds ?
J’ai vu ses débuts et je suis satisfait. J’ai reçu énormément de message après son échec à Lille, on me mentionnait sur des publications, c’était fou. C’est là que je me suis rendu compte de l’impact du morceau. Maintenant, il y a des gens qui pensent directement à moi quand on parle de Marcelo Bielsa. Aujourd’hui, je savoure car avec un club comme Leeds, ce n'était pas facile pour rebondir.
Le second clip « Tacle à la Mozer » est aussi sur la thématique du club Bleu et Blanc. Vous l'appréciez à la même échelle que Marcelo Bielsa ?
Non, pas à la même échelle car ce n'est pas un joueur que j’ai vu évolué. Quand il portait le maillot de l’OM, j’avais sept ans. C’est mon père qui m’en a parlé et après, je m’en suis intéressé avec des bouquins, des vidéos. Moi, c’est l’archétype du joueur que j’aimais. Le don de soi, la grinta comme Di Meco. Ce clip est également une dédicace à tous ceux qui ne baissent pas la tête dans le tunnel en référence aux joueurs avant d’entrer sur le terrain. C’est aussi une métaphore de la vie en général. C’est comme si à la place des joueurs adverses, tu avais une succession d’épreuves, tu gardes toujours la tête haute.
Adikson - Tacle à la Mozer
Il y a des éléments personnels dans le clip ?
Je pratiquais le football au FC Sarrebourg, le club de ma ville natale. J’avais galéré pour me faire offrir par mes parents les Adidas Copa Mondial car j’en rêvais. C’étaient les soirées avec les packs de Kronenbourg devant la Ligue des Champions quand j’étais ados avec mes potes. J’ai également fait participer beaucoup d’amis dans ce clip. Et aussi un clin d’œil à Bruno des Ultras qui a perdu son fils d’une maladie grave. Son fils était supporter de l’OM et j’ai voulu mettre cette histoire car le clip parle des épreuves de la vie et s'il y a une personne qui en a traversée une, c’est bien lui.
Comment qualifieriez-vous votre musique ?
Ça fait maintenant quinze ans que je fais du rap et à chaque fois mes morceaux reflètent des époques et des périodes de ma vie. J’ai toujours été très rap US donc forcément quand j’ai commencé, je faisais des sons très orientés New-York. Quel rappeur n’est jamais tombé dans l’envie de s’identifier à ce rap ? Par le côté vestimentaire, le flow, les instrumentaux, etc. Après, le morceau « Tacle à la Mozer » est un peu plus trap, plus actuelle. Tu as des morceaux comme « Bielsa » qui est un ovni complet et qui reflète un passage d’une période de l’histoire de l’OM. Le dernier morceau que j’ai fait avec le Muge Knight et Toko Blaze « Numéro 10 » qui parle aussi des épreuves que doit traverser un enfant avant de devenir un adulte. Et là, on se livre tous les trois sur ce thème.
Une idée pour un prochain clip ?
Je ne sais pas encore. S’il y a une personnalité actuelle à faire, ce serait Kostas Mitroglou. Honnêtement, je me fais tacler sur les réseaux sociaux par des mecs qui ont une préférence pour Germain. Kostas s’est fait cracher dessus dès son arrivée. Il ne parle pas la langue, problème de poids, blesser, panic buy, il n’a rien pour lui et tu te rends compte au bout de la seconde partie de saison qu’il marque. Il a été imperméable au critique et à chaque fois il rebondit. J’aime son style, il n’en reste plus beaucoup des attaquants à l’ancienne comme lui.
On a beaucoup parlé de musique. Vous êtes aussi un amateur de rhum, c’est venue comment ?
Ça m’est venu par une connaissance lors d’un voyage en Martinique et qui m’avait fait faire le tour des habitations qui produisent le rhum à partir de la canne à sucre. Au-delà de l’alcool, c’était le procédé qui m’intéressait, la manière dont c’était fabriqué. Et vue qu’il y a à peu près une dizaine de distilleries sur l’île, on les avait quasiment toutes faites. Je m’étais rendu compte qu’en fonction du terroirs et de la culture, chaque rhum avait un goût différent donc je les ai tous goûtés. Je me suis mis à les collectionner. Ma compagne me traque à chaque fois car j’ai des bouteilles que je n’ouvre pas et ça ne sert à rien. Je les stocke, c’est une petite collection personnelle avec des bouteilles d’une certaine valeur.
Un verre de rhum est toujours accompagné d’un bon cigare ?
Généralement, oui. L’idée de fumer ne me plaît pas forcément. Par contre, l’assortiment cigare-rhum renvoi à l’univers américain. Par exemple, Rick Ross a souvent dans ses clips un verre de cognac avec un bon cigare. J’aime bien ça et essentiellement les cigares cubains que je trouve à La Civette Ballard à Marseille.
Vous avez un compte Instagram (Adikson_MC) et un autre avec votre compagne (Lio&Bad). Vous partagez vos bons plans ?
Quand j’ai rencontré ma compagne, je lui ai dit que j’avais une vieille envie d’avoir un blog pour partager mes bonnes adresses. Mon compte perso est orienté artistiquement ainsi que la vie de tous les jours. Et du coup, comme elle est aussi épicurienne et que l’on s’entend super bien à ce sujet, on s’est dit de lancer un compte commun où on allait poster tous nos bons plans, nos coups de cœur, nos voyages. C’est du déjà vue et les bons plans à Marseille, c’est inépuisable. Le but n’est pas d’entrer dans la blogosphère, mais de prendre du plaisir à partager. On a déjà eu des belles surprises. L’Intercontinental nous a fait confiance alors que l’on n'a pas beaucoup de followers. Ils nous ont invités à l’inauguration de leur potager par le chef étoilé Lionel Lévy. Et on a pu déguster ses plats, c’était une expérience formidable.
Que peut-on vous souhaiter pour le futur ?
Du bonheur, de la santé et l’OM sur le podium.
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