Il enseigne le cinéma au Maroc depuis de nombreuses années. Réalisateur expérimenté, Azlarabe Alaoui a signé des films documentaires, des téléfilms, des courts-métrages et deux longs-métrages : Androman, de sang et de charbon, Kilikis: The Town of Owls. Son dernier objet cinématographique « se peaufine, il faut encore un ou deux mois de travail pour une dernière version » annonce le cinéaste dont la pellicule accompagne la vie. Rencontre.
« Azlarabe, votre nouveau film Africa Blanca a été présenté au marché du film du 77ᵉ Festival de Cannes. De quoi ça parle ?
Deux thèmes se croisent dans mon film : la migration et la cause des albinos qui ne vivent pas normalement en Afrique. Ils sont mutilés et victimes de discrimination.
Comment est venue l’idée de départ ?
D’un documentaire que j’ai réalisé au Sénégal, au Togo, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. J’ai ensuite écrit le scénario du long-métrage pendant deux ans. Le tournage a commencé en 2023 dans plusieurs coins ; le désert, la mer, la montagne. Cet ensemble donne sens à ce road movie.
Comment avez-vous rencontré des albinos ?
Il est difficile de les rencontrer dans la vie. Ils ont peur de tout le monde, surtout en Afrique subsaharienne. C’est impossible de les voir dans la rue, c’est un danger pour eux avec la sorcellerie, notamment. J’ai pu faire la connaissance d’un bon nombre d’entre eux grâce à des associations. Sall Abdoulaziz Dabakh, le premier rôle, travaille dans le domaine de la mode, il est donc proche de l’artistique et du cinéma. Je l’ai fait venir au Maroc, il a travaillé avec un coach pendant un mois et a beaucoup donné dans le film. Il y a des talents.
Au début du film, son personnage lit un poème. Qu’est-ce que cela raconte de lui ?
Oui, du grand poète sénégalais Amadou Lamine Sall. Ce poème raconte les blessures internes de cet albinos. Il n’a rien d’autre, au monde, que sa maman. Il essaie de dire pourquoi je suis différent des autres ? Pourquoi je me sens marginalisé ? Dans le film, il va avoir une relation amoureuse. Je l’ai introduit dans cette histoire comme un homme normal, je ne voulais pas d'une vie de handicap pour lui.
Vous avez réalisé plusieurs documentaires pour des chaînes nationales et internationales, ainsi que des courts-métrages. D’où vient ce désir de cinéma, d’être réalisateur ?
J’ai commencé à être membre d’un ciné club au Maroc à l’âge de dix ans. À 14 ans, j’écrivais mes premiers scénarios avec mes amis du lycée. J’ai tourné mon premier court-métrage à quinze ans. Je suis passionné. J’ai fait un grand trajet, de plusieurs milliers de kilomètres, vers l’Égypte pour faire des études de cinéma. J’avais 18 ans. Puis j’ai fait des ateliers à Paris, avec des associations, sur tous les processus de fabrication d’un film : le son, le montage, la réalisation, la production, le script. Il faut connaître tous les métiers. J’ai fait deux ans de conservatoire pour parler avec les musiciens. Un réalisateur, c’est un chef d’orchestre.
Vous êtes enseignant supérieur du cinéma et titulaire d’un doctorat dans cette voie. Comment s'enseigne le cinéma ?
Pour mon dernier film, Africa Blanca, j’ai pris tous mes étudiants en stage. J’enseigne toujours ce que l’on ne peut pas trouver dans les livres. J’enseigne les expériences. On ne peut pas faire un film avec la théorie et les règles de champ-contre-champ, par exemple. C’est la partie technique. Il faut avoir une vision du monde pour être réalisateur.
Quels sont vos prochains projets ?
En général, un réalisateur ne doit pas s’arrêter avec son dernier film. On parle déjà d’autres scénarios. Sur la table de montage, j’ai un autre film documentaire autour des albinos. En plus de ça, j’ai le projet d’un film documentaire sur des prisonniers qui envoient des messages artistiques à leur famille. Je travaille encore dessus. Et puis, je veux faire un focus sur Africa Blanca pour qu’il puisse sortir et voyager dans tous les festivals. »
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