Il incarne un personnage auto-centré dans le très réussi Mise au Vert. Frédérick Guillaud est plus de contact facile et son esprit de troupe le différencie de Régis dans le premier long-métrage de Yohann Charrin, « même si j'ai adoré, à la lecture du scénario, tous ses pétages de plomb » Dans les montagnes du Vercors, la règle ne change pas : c'est là où il n'y a pas de wifi qu'on se reconnecte le mieux. De connexion, d'alchimie avec le jeu il est sujet dans cet échange avec un artiste complet, patient et déterminé à défendre les plus beaux rôles.
« Frédérick, vous êtes à l’affiche du film Mise au vert de Yohann Charrin actuellement en salles. Quelle présentation feriez-vous de Régis, votre personnage ?
Il est marié, à deux ados et va être pris au piège de vacances qui ne vont pas se dérouler comme il l’aurait souhaité. Régis a un caractère très fort, il est plein de convictions et de valeurs qu’il constate en décalage avec sa région d’origine et les gens qu’il rencontre comme son vieil oncle ou les néo ruraux. Au départ, son idée est excellente (Rires) : offrir des vacances surprises à sa famille pour repartir sur de nouvelles bases. Mais elles vont vite être compromises quand il arrive devant le gîte dont il a hérité.
En effet, un groupe de marginaux néo ruraux occupe les lieux. A un moment, dans le film, votre personnage les appelle « ces gens-là »…
Il les assène au premier dîner et on assiste bien à un choc des cultures. Régis le dit lui-même, « ça me rappelle les zigotos de la fac de lettres. (Rires) Ça le rend dingue de les voir hors système, il leur reproche leur inaction dans la société.
Le personnage de J-C, interprété par Stéphane Roux, parle de limiter nos besoins au maximum dans une société capitaliste qui crée des besoins artificiels...
Beaucoup de spectateurs et de critiques considèrent que ce film est définitivement dans l’air du temps, déjà par rapport à son titre mais aussi parce qu’il montre des urbains quittant la ville pour revenir à plus de simplicité. Le message de déconnexion est aussi présent. Et puis cette notion d’arrêter de trop consommer, de vivre aveuglément dans un système qui tourne en boucle et arrive en fin de course comme de nombreux mouvements le soulignent aujourd’hui.
La Montagne de Jean Ferrat ouvre le film. Est-ce que vous aussi, vous avez déjà fait une mise au vert ?
Complètement ! Je pensais que c’était assez contemporain. Mais en me renseignant sur la question, les urbains ont décidé de développer cette nécessité de se mettre au vert depuis 1850 et l’industrialisation. J’ai régulièrement eu la chance de partir à la campagne pour respirer, sous-entendu que nous ne sommes pas capables de respirer en ville, c’est assez flippant à dire. Pour le film, on a tourné entre Saint-Julien et Saint-Martin-en-Vercors, totalisant moins de 500 habitants, c’était un énorme retour aux sources.
La mise au vert a été aussi sur le tournage avec une équipe réduite et le soleil pour éclairage. Quels sont vos souvenirs de tournage dans le Vercors, ce formidable terrain de jeu naturel ?
J’ai eu la chance d’y être accompagné par ma propre famille, donc je me suis retrouvé dans un rôle de papa 24h24 pendant tout le mois d’août 2020 avec mes enfants et mes ados de cinéma, c’était comme une formation accélérée (Rires). Pour favoriser la cohésion de groupe et la camaraderie, Yohann Charrin, le réalisateur, nous a fait loger tous ensemble dans un gîte pendant quatre semaines. Nous étions à flanc de montage et le GPS commençait à flancher avec le manque de réseau. Sur la route pour aller d’un plateau à un autre, nos regards se relevaient et si on repérait une voiture qui faisait partie de l’équipe et qui était elle aussi paumée, on se tapait la discute au bord de la route et on prenait en photos le paysage, tout simplement époustouflant. Ça a été une colonie de vacances professionnelle. Il y avait un challenge à relever en peu de temps. Les journées étaient intenses et j’aime ça. J’ai mis toute mon énergie au service du film. Toutes les conditions étaient réunies pour que je m’éclate.
Frédérick, en regardant votre parcours, je vois du théâtre, du cinéma, de la télé, de la pub, de la mise en scène, des courts-métrages, de la voix off mais aussi de la websérie. D’où vient cette fibre artistique ?
D’une nécessité à trouver un mode d’expression qui me convienne. J’ai fait des études classiques, puis supérieures d’économies et même une prépa HEC pour devenir mécène. Je voulais gagner beaucoup d’argent pour en donner aux artistes. Finalement, je n'ai pas atteint les écoles de commerce, je n’étais sans doute pas assez mature. Je me suis alors retrouvé à la fac et je m’y suis cruellement ennuyé. Dans les couloirs, j’avais trouvé une association de théâtre, Fac en scène, et après une première audition, on m’a rappelé pour me dire que je jouerais le rôle de Moulineaux dans Tailleur pour dames de Feydeau. En fin d’année, devant un parterre de 300 personnes, j’avais zéro trac, j’étais à la bonne place. Il y avait une espèce de galvanisation. Vous êtes le centre de l’attention, vous parlez et on vous écoute. J’ai ensuite adoré tout le travail de préparation qu’on réalise en catimini, personne ne voit rien et puis un jour, on vient montrer à travers des acteurs et une mise en scène la collaboration de plusieurs équipes artistiques, comme la scénographie ou l’éclairage. Certaines personnes continuent à se dévouer dans l’ombre pour ce métier qu’ils aiment. Je trouve ça incroyable. Après ça, j’ai eu envie de toucher à tout, le parcours ne vous limite pas à une seule activité, soit par envie ou par besoin aussi, il faut être réaliste. Mais quand on commence à avoir un peu plus de choix, on s’oriente vers ce qu’on a envie de défendre.
Que retenez-vous de votre apprentissage de la comédie ?
Vous me renvoyez à quelques années en arrière (Rires). Patrice Chéreau disait que le théâtre l’avait redressé. Alors que je me perdais dans mes études supérieures, le théâtre m’a offert un rebond. Je n’étais pas bon en dessin pour faire de la peinture, donc je suis passé par la photo où c’est l’appareil qui dessine pour vous (Rires). J’ai des valises entières de photos en argentique à la maison. Et puis le théâtre est arrivé comme une évidence. J’ai quitté Florent en 2003, il y a donc vingt ans ! Vingt ans plus tard, j’ai un premier rôle dans un premier long-métrage de comédie. J’ai fait ces écoles pour me crédibiliser. A Florent, vous êtes au service du texte de l’auteur. A Pygmalion, je me souviens de cette question de Pascal Luneau: « Qu’est-ce qui vous ferait aller voir Daniel Auteuil dans l’Ecole des femmes au théâtre de l’Athénée ? Est-ce que c’est le théâtre, l’auteur ou l’acteur ? » Et tout le monde avait répondu spontanément Daniel Auteuil. C’est intéressant de parler de ces deux approches, non ?
Pour conclure cet entretien, auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?
Sourit au monde et le monde te sourira. »
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