Le chant est le prolongement de sa voix. Le nouvel album de Maë Defays, A Deeper Ocean, explore les profondeurs de l'océan et de l'âme humaine avec une musique poétique et sans frontières. Sur des inspirations neo soul, jazz et des rythmes afro-caribéennes, Maë nous transporte avec douceur au cœur d'une nature belle et fragile. Rencontre.
« Maë, ton album A Deeper Ocean sera sur toutes les plateformes de streaming le 26 janvier prochain. Quel est le fil rouge qui relie les 12 titres de l’album ?
Je dirais l’idée de la profondeur de l’océan et de nous-mêmes. Il y a toujours une histoire cachée dans mes morceaux. Après deux EP, j’ai écrit cet album durant la période Covid, en travaillant les compositions, la guitare/voix, puis les paroles et les maquettes. Privée de concerts, j’ai tourné cinq clips en Guadeloupe et fait un shooting photos au Bénin pour que l’album soit un pont entre l’Afrique et les Caraïbes, un voyage sur plusieurs océans.
Comment s’est passée ta collaboration avec Sly Johnson, directeur artistique du projet ?
J’adore son travail. On s’est croisé sur des festivals et je l'ai invité à partager un duo à la sortie d’un EP en 2020. Il y a un respect mutuel. J’ai pensé à lui lorsque je cherchais un artiste inspirant dans la musique soul, anglo-saxonne et basé en France. J’apportais les compositions et choisissais avec lui les orientations sonores et les arrangements de l’album. Sly m’a également aidé dans le choix de mon répertoire, puisque j’avais composé pas mal de morceaux.
Quel espace de travail est pour toi le studio ?
Je ne suis pas dans l’improvisation dans la vie de tous les jours - ce qui est bizarre quand on vient du jazz -, mais plutôt très organisée. J’ai profité du studio comme un laboratoire pour essayer différents sons, tout en restant ouverte aux propositions de mes musiciens. Le studio est l’occasion de laisser leur imaginaire apporter quelque chose à ma musique. C’est un lieu de partage et d’ouverture, et c'est à ce moment-là que ma musique peut devenir commune.
Comment la crise écologique actuelle influence-t-elle ta perception du monde et ton expression artistique ?
En écrivant l’album pendant la période anxiogène du confinement, c’était difficile pour moi de créer sans vision d’avenir. Je me demandais ce que j’allais laisser sur cette Terre, et si ça valait la peine de créer. On se pose des questions, comme celle d’avoir des enfants dans un monde aussi incertain. Créer à partir de cette anxiété me permet de donner une raison à ma création. C’était important pour moi d’en parler.
L’album se conclut avec un hommage à tes ancêtres réduits en esclavage avec Enfants de l’orage, un titre très fort…
Je suis un peu sortie de mon carcan traditionnel de chansons d’amour avec Enfants de l’orage. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de voyager au Togo ou au Bénin pour voir de la famille. En utilisant l’océan, mon fil conducteur, j’ai voulu raconter une histoire (avec un grand h) en m’imaginant le ressenti de toutes ces personnes qui ont été transportées d’Afrique, quand elles regardaient l’océan et qu'elles devaient s'imaginer retourner un jour sur leur continent. Je suis née à Paris, je suis métissée et j’ai vécu les deux racismes : trop clair de peau en Guadeloupe, et trop foncée en France. Je trouve ça absurde, ça n’a aucun sens. J’ai voulu écrire sur mon incompréhension du racisme qui existe encore à notre époque, avec toutes les blessures que l’esclavagisme a laissées. Ce titre finit l’album avec mon accord préféré (sus4) qui est ni majeur ni mineur. Pour moi, il a une sorte de mélancolie et d’espoir. La fin du morceau qui se répète est la même mélodie que l’introduction de l’album. J’ai vu ça comme un cycle, une ouverture vers d’autres horizons, vers la réflexion et laissé imaginer, aussi, que je pourrais chanter plus en français dans d’autres albums. »
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