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Photo du rédacteurSamuel Massilia

Marion Filloque, inspirée et passionnante !

Bouleversante et remplie de talents, Marion Filloque a pour défi d'être utile chaque jour pour quelqu'un. Et ce ne sont pas les élèves de son atelier de cinéma qui diront le contraire. Réalisatrice passionnée, Marion nous a impressionnées avec son court-métrage Les Âmes Soeurs et avec Grace co-réalisé avec son amie Ophélie Bau. Don du partage, soif de connaissances, d'une humilité trop rare aujourd'hui, Marion respire le septième art, la culture et en l'écoutant parler, on ressent que le cinéma l'anime depuis toujours. Rencontre avec Marion Filloque, inspirée et passionnante !

© Nicolas Renoux

« En 2016, tu réalisais le court-métrage Les Âmes Soeurs avec au casting Dounia Coesens et Louise Canadas. Quel a été le point de départ de ce film ?

Ce film est pour ceux qui aimeraient découvrir une belle histoire d'amour, entre deux sœurs qui se soutiennent malgré tout ce qui peut arriver. Le trouble mental est le deuxième pilier de ce film. C'est un court-métrage qui peut répondre aux attentes de gens qui voudraient voir la maladie autrement qu'à l'hôpital.


J'ai fait la rencontre de Sébastien Maggiani et d'Olivier Vidal, les réalisateurs du film Hasta Mañana, je faisais mes petits films dans mon coin avec peu d'argent mais avec passion. Avec Sébastien et Olivier, on se voyait très souvent, on est devenu amis et Sébastien m'a dit qu'il produirait mon film. Je n'avais pas encore écrit de scénario à l'époque. J'avais déjà une idée en tête avec le besoin de raconter cette histoire. On a écrit à deux, avec Sébastien, ça s'est fait assez vite.


On a eu quelques aides de la ville de Montpellier et du département de l'Hérault. On a tourné en août 2016, et la post-production s'est faite sur les trois derniers mois, en décembre le film était fini.



On ressent une forte et belle complicité entre les deux sœurs alors qu'une situation aussi difficile peut laisser place à la dispute et au reniement. Quel message voulais-tu faire passer à travers cette belle union ?

Il y a des événements que j'ai vécus dans ma vie et dont je peux parler aujourd'hui. Les parents dans le film ne ressemblent pas aux miens. J'ai eu l'envie de montrer l'image de beaucoup de parents, que je ne juge pas, mais qui n'arrivent pas à affronter la réalité.


Le film a été montré dans plusieurs hôpitaux psychiatriques notamment au centre Le Vinatier à Bron. J'étais très stressée de leur montrer puisque ce sont des professionnels de la santé. Ils m'ont remerciée pour ce film car ils se rendent compte que l'hôpital peut faire peur aux familles. Ils vont donc essayer de changer leur façon d'aborder certaines familles. Ça leur a fait plaisir de voir un film qui ne montre pas l'hôpital comme un lieu affreux.


© Fratel Films 2016

J'ai aimé la puissance des plans et surtout ton sens du détail entre les posters accrochés dans la chambre de Nina (Dexter, The Shining), la musique « Envole-moi » ou encore le moyen de s'extirper dans la forêt. Ces petits éléments étaient dans ton esprit avant de tourner ?

Pour la chanson « Envole-moi », c'est venu assez vite dans l'écriture. Avec Sébastien, on réfléchissait à une musique forte. J'avais en tête un passage dans le film Le Monde de Charlie avec Emma Watson où il y a un moment de liberté très fort. On voulait une musique française, qui nous rassemblait. Dans ma famille, Jean-Jacques Goldman a toujours été un pilier (rires). Sébastien a réussi à avoir les droits en discutant avec Sony et la boîte de Goldman. Quant aux posters dans la chambre de Nina, cela est venu au moment de la préparation du tournage, contrairement à la scène du cri dans la forêt, pensée dès l'écriture du scénario.


Sur le plateau, quelle a été ta façon de diriger les comédiens ?

Pour trouver des acteurs, je ne savais pas trop comment faire. Sébastien m’a proposé les comédiens qui sont dans ce film. Avec les acteurs, on a beaucoup travaillé ensemble. Je leur envoyais des traitements sans dialogues. Ils ont reçu environ dix versions du scénario. On s’est appelé avec Dounia pendant qu'elle était en vacances, on a repris le scénario à nous deux et elle m'a été d'une grande aide.

© Fratel Films 2016

Elle avait accepté de se lancer dans le défi si elle faisait de l’impro. Dans mes anciens films, il n'y avait pas vraiment de dialogues, donc il y avait beaucoup d'improvisation. J'ai quand même écrit des dialogues que j’ai gardés pour moi, afin d'avoir une idée du temps. J'essaie d'accompagner mes comédiens car ils sont tout aussi créateurs que le réalisateur. L'improvisation est essentielle pour avoir ce réalisme. Et puis quand j’ai réalisé ce film, j'avais 19 ans. C’était mon premier court-métrage professionnel, donc je n'étais pas forcément toujours confiante.


Court-métrage récompensé dans plusieurs festivals et projeté plus de 50 fois dans 9 pays. Quelle sensation cela procure de voir son travail récompensé ?

Le film terminé, on a commencé à le proposer à quelques festivals notamment celui de Maisons-Laffitte qui nous a bien mis en avant. Les retours étaient absolument incroyables, j’ai pu rencontrer des comédiens bien placés dans le cinéma qui nous ont félicités.


© Guy Plotton

En octobre 2017, le film a été reçu aux Etats-Unis, au Chelsea Film Festival, et ça a tout changé. J'avais rencontré une des directrices au festival de Cannes, le film semblait l'intéresser et on l'a proposé et soumis à ce festival. Il a été retenu parmi plus de 1 500 films. Je regardais les films d'autres réalisateurs dans un immense cinéma qui est à dix minutes de l'Empire State Building. J'étais déjà prof à cette époque-là et pour moi c'était un autre monde.


Le film a été projeté à la fin d'une sélection et il y a eu une standing-ovation. Je ne comprenais pas (rires). Et une personne à côté de moi m'a dit "Le film est incroyable, tu le connais ?" et je lui ai répondu que oui, "C'est moi qui l'ai réalisé" (rires). Deux jours plus tard, la fille de Martin Scorsese m'a remis le prix, c'était un moment très fort. Je suis revenue en France, mon téléphone s'est reconnecté au réseau français, et je te promets qu'il n'a pas arrêté de sonner (rires).


C'est une belle histoire qu'offre le septième art... D'ailleurs, comment cette fascination pour le cinéma et l'écriture est-elle née chez toi ?

Depuis que je suis toute petite, j'ai toujours aimé lire et inventer des histoires. J'aimais beaucoup créer des petits spectacles avec mes sœurs, on se mettait en scène et le samedi et le dimanche, nos parents avaient toujours droit à un spectacle (rires). Vers l'âge de dix, onze ans, tout s'est révélé.


Au lycée, j'ai fait une spécialisation cinéma. Ensuite, j'ai fait pendant un an une prépa littéraire que j'ai validée. Je ne voulais pas aller en école de cinéma et je n'avais pas non plus envie d'aller en BTS parce que je ne suis pas du tout une technicienne. Je suis retournée à la fac en deuxième année de licence où j'ai fait de la pratique et construit un réseau très intéressant à Lyon.


Je peux dire que je me suis formée sur le tas, avec la chance d'avoir une culture diversifiée grâce à des professeurs qui m'ont fait découvrir plein de films. Il y a trois semaines, j’ai obtenu ma certification de cinéma, ce qui veut dire que je peux l'enseigner au lycée. L'enseignement est aussi une passion pour moi. Je me forme également avec les élèves, on apprend tellement auprès d'eux.


Au début de l'année, nous avons pu découvrir ton deuxième court-métrage GRACE en co-réalisation avec la comédienne Ophélie Bau.

Avec ce court-métrage, nous voulions montrer que chez les stars, ce n'est pas toujours des paillettes où tout est rose. Ce sont surtout des gens qui sont seuls et qui se retrouvent vraiment tristes et complètement déprimés face à ce qu'il leur arrive. Que ce soit le coup de téléphone d'un manager, la pression d'une production ou des réseaux sociaux, les stars sont en vérité une image et le public oublie que derrière ces images, il y a des êtres humains. Dans Grace, c'est une femme qui souffre, qui a juste besoin qu'on l'aime et qu'on l'aide.


Ça peut paraître simple de traiter de la face sombre de cette industrie à rêve mais ce que je trouve excellent, c'est que vous avez réussi, en 2min20, à installer un climat morose, reflétant le mal-être d'une artiste pourtant en pleine gloire…

Depuis 2011, quand j'ai découvert certains enfants stars comme Justin Bieber et que j'ai vu ce que l'on faisait de ces êtres lambdas qui deviennent des produits de consommation - à mon humble avis - ça m'a détruite. Il y a des gens qui sont capables de se faire de l'argent sur le dos des gamins. Et il y a deux ans, j'ai lu d'une traite un magnifique livre qui s'intitule "Le Dernier Jour d'un condamné" de Victor Hugo. Juste après, j'ai écrit un scénario que je n'ai pas touché pendant un long moment. Et quand j'ai entendu parler du NIKON FILM FESTIVAL avec pour thématique "UNE GÉNÉRATION", j'ai proposé à Ophélie, qui est avant tout mon amie, de se lancer ensemble dans ce projet. Elle m'a dit oui et on a tout réécrit toutes les deux.


Et le succès tape une nouvelle fois à ta porte...

Le film a eu son petit succès, dans le sens où Ophélie a une notoriété importante. Canal + s'est penché dessus, Ophélie a été invitée chez Mouloud Achour où elle a pu parler du film. On faisait partie des cinquante courts-métrages retenus, on a été montré au Grand Rex avec les 49 autres films. C'est un festival qui donne sa chance à des personnes qui n'ont pas forcément beaucoup d'argent et qui permet à de jeunes créateurs de sortir du lot.


Marion Filloque et Ophélie Bau sur le tournage de GRACE

Tu portes le costume de réalisatrice mais aussi celui de professeure de Français. C'est essentiel pour toi d'être près des enfants, de former la jeunesse de demain ?

Beaucoup de personnes, dans le cinéma, m'ont dit qu'un jour, j'arrêterai le métier de prof pour être uniquement réalisatrice, et je ne suis pas le genre de personne à se ranger dans une case. Chaque matin, je veux me lever en me disant que je vais être utile pour quelqu'un et qu'une personne pourra m'apporter quelque chose. Les enfants, qui sont l'avenir de notre monde, on tant à nous apporter et on a aussi beaucoup à leur donner.


Pour moi, c'est nécessaire d'être près de ces jeunes. Je travaille dans un collège avec des élèves de sixième et quatrième, avec plein de classes sociales différentes - avec parfois des élèves plus difficiles que d'autres - et mon défi est d'être utile pour eux. Dans mon atelier de cinéma, ils comprennent que le cinéma n'est pas si inaccessible que ça.


© Anissa Filloque

Pendant le confinement, j’ai contacté la réalisatrice Sandy Lobry qui a fait le film Influenceuse à venir discuter avec mes élèves, accompagnées des comédiennes Alix Bénézech et Lauréna Thellier. On a fait une conférence par Framatalk, avec vingt élèves et ils se sont rendus compte que ce sont des gens comme tout le monde.


L'an prochain, je ferai venir dans mon atelier une maquilleuse, un ingénieur du son... Ils découvriront ainsi plein de métiers. Mon but n'est pas qu'ils fassent tous du cinéma mais qu’ils rencontrent des personnes très différentes, rien n'est figé même si le système nous fait croire ça. Aujourd'hui, le partage n'est pas forcément naturel chez les gens.


Pour en revenir à ta passion pour l'écriture, tu publiais des articles sur le net, toujours en rapport avec le cinéma...

Je voulais vivre le cinéma de toutes les manières possibles. Je me suis essayée à la critique de films et parfois j'avais du mal avec certains codes. Il y a un texte que j’ai pris énormément de plaisir à écrire, c'est une critique négative du documentaire Amy d'Asif Kapadia, je trouvais qu'il était dans l'irrespect total de ce qu'est une star. L’écriture est une de mes premières expressions. J’écris des scénarios, des poèmes, des mémoires, etc. J'aime aussi la photo et filmer les gens pour capter des moments de vie.


© Nicolas Renoux

Certains réalisateurs sont des adeptes pour capturer des moments de vie qui deviennent des scènes cultes au cinéma…

J'avais vu un film de Cassavetes et j'avais trouvé ça fou la manière dont il filmait les gens. Il n'y a pas forcément besoin d'effets spéciaux, même si j'adore les films de science-fiction, mais qu'il y est de la vie et une bonne intention. Maïwenn le fait très bien également.


Toute personne qui a envie de raconter une histoire, peu importe son parcours, peut y arriver s’il y a un instinct derrière. Le fait d'avoir une culture cinématographique permet de forger son oeil mais en même temps, quand on connaît trop de films, on peut facilement se laisser influencer. C'est pour ça que quand je suis en écriture, je regarde très peu de films. C'est bien parfois d'être brut, que ça vienne du cœur.


As-tu des projets pour les prochains mois ?

Durant le confinement, beaucoup d'artistes ont écrit des films chez eux, ce qui n'a pas été mon cas. J'ai été animée par mon roman policier que j'espère pouvoir sortir un jour. Sinon, ça fait deux ans que je travaille sur un court-métrage que j'écris actuellement et qui sera produit par Sébastien Maggiani. C'est un projet qui me tient à cœur et qui va nous permettre, je pense, de franchir une autre étape. L'idée est d'arriver jusqu'à la réalisation d'un long-métrage. J'ai choisi de ne pas vivre à Paris, j’ai une vie très simple au quotidien, c'est ce qui m'aide à être encore plus dans le réel.

Aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

« L'oeuvre est une sueur » de Jean Cocteau.


Que peut-on te souhaiter pour le futur ?

De rester moi-même et continuer à croire en mes projets, et puis faire ce que j'aime, tout simplement. »

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