La caméra l'a saisi dans des univers aussi divers que captivants, des comédies divertissantes à des drames poignants. Stéphane Debac tisse son chemin avec une curiosité insatiable et sa passion pour les grands auteurs intemporels, « si vous vous plongez dans une nouvelle de Camus à 20 ans, vous allez en garder un certain souvenir. Si vous la relisez à quarante ou cinquante ans, votre point de vue aura changé, et pourtant le livre sera toujours la même. » Une réflexion sur la façon dont le temps et l'expérience transforment notre compréhension des œuvres d'art. Rencontre.
« Stéphane, on vous retrouve le 14 février dans le prochain film de Claude Zidi Jr, Maison de Retraite 2. Quelle présentation feriez-vous de Claude Masson, votre personnage ?
C’est le directeur d’une maison de retraite installée dans le sud de la France, avec un cadre parfaitement idyllique, voire très luxueux. Le personnage de Milann (Kev Adams) va y passer quelques semaines avec ses pensionnaires âgés et plus jeunes, avant d’être pris au dépourvu puisqu’il ne pourra pas retourner dans la grande bâtisse - qui n’est pas aux normes - où il accueillait ses pensionnaires. L’institution se retourne contre lui et une espèce de guerre fratricide va s’installer entre les pensionnaires incarnés par Jean Reno, Chantal Ladesou ou encore Enrico Macias.
Quelle a été votre première réaction à la lecture du scénario ?
Je l’ai trouvé amusant. C’est un mélange de comédie et de sentiment avec du fond. À l’âge de dix-huit ans, j’ai travaillé en gériatrie, donc je suis très attaché aux personnes âgées. Ce scénario m’a été proposé par Elisa Soussan, la productrice, que je connais depuis très longtemps. Je l’ai vu découvrir Kev Adams au tout début, quand il était jeune adolescent sur scène à faire des sketchs. Elle a été la première, pour ne pas dire la seule, à croire en lui. J’étais heureux de retrouver mes camarades dont Claude Zidi Jr fait partie (j’ai tourné dans son film Ténor). C'est un garçon enthousiaste, il a une approche facile et avec lui, il n'y a pas de difficultés particulières, ni de complexité. Et puis je connais le parcours de Kev pour essayer de monter le premier Maison de Retraite, personne n’en voulait. J’aime bien ce genre de tour de force. Ce film m’a aussi permis de rencontrer des personnes que j’admire comme Daniel Prévost.
Vous êtes un visage familier de la fiction française. D’où vient ce désir d’être comédien ?
C’est lié à l’enfance et à une somme de circonstances qui remonte à longtemps. J’ai su, très tôt, que je voulais jouer des rôles. J’étais dans des ateliers théâtre et je sentais que c’était là que j’existais le mieux au regard des autres. C’est presque comme une vocation religieuse, un appel. Je suis heureux à cet endroit-là, donc je vais tenter l’aventure.
En 1995, vous quittez Lyon pour Paris avec en poche le livre Comédien, du rêve à la réalité, de Serge Rousseau…
C’est une amie de ma mère qui m’avait offert ce bouquin pour mes quinze ans, la parole de Serge Rousseau sous forme d’interview. Il a été un grand agent, le co-créateur d’Artmedia et acteur, d’abord. En étant originaire de la région lyonnaise et ne connaissant absolument personne de ce milieu, je ne rêvais que de théâtre. Le cinéma me paraissait tout à fait inaccessible. Les mots de Serge Rousseau m’ont accompagné comme un bon conseil littéraire. Plus tard, en entrant chez Cinéart (une filiale d’Artmedia), je l’ai rencontré. La boucle était bouclée. C’est parfois troublant de rencontrer les gens qui vous ont inspiré ou qui ont participé à votre évolution.
Quelles images vous reviennent de vos débuts dans le métier ?
J’étais un jeune homme plein de rêves. Quand je lisais mes textes au Conservatoire de Lyon, on me renvoyait plutôt des commentaires positifs. J’étais assez original dans ma façon d’aborder ou de choisir mes textes. J’étais aussi très naïf ! En arrivant à Paris, j’avais l’impression que j’allais distribuer ma photo et mon CV de deux lignes à tous les théâtres et qu’on m’appellerait pour passer des auditions. C’est vous dire la naïveté du gars (rires). Évidemment, rien ne s’est passé comme je l’imaginais. J’ai été pris sur Canal + pour faire des sketchs après un premier casting. Puis mon agent de l’époque m’a présenté à l’assistante réalisatrice Cécile Maistre qui m’a fait entrer dans le bureau de Claude Chabrol. Il regardait son scénario et se demandait ce qu’il allait me donner. J’ai tourné un ou deux jours dans ses films sans avoir conscience du monstre de cinéma que je fréquentais, tellement il était simple et chaleureux. J’étais à sa table avec Isabelle Huppert. Cet accueil sans hiérarchie m’a beaucoup marqué. J'étais un très jeune acteur, je saisissais ma chance. Mon éducation artistique s'est faite avec des personnes élégantes avec tout le monde.
Après avoir incarné le juge Lambert (Bertrand dans la fiction) dans l’Affaire Villemin, vous avez déclaré être désormais vu comme un acteur. Comment étiez-vous vu avant ?
On ne me voyait pas ! (Rires) Vous êtes un vase dans un coin avec beaucoup de mobiliers et d’objets autour. Et puis un jour, un rôle vient déterminer une place valorisante, vous existez davantage, les sollicitations arrivent un peu plus. Et encore, ce n’était pas si facile à l’époque. C’était une composition dramatique assez éloignée de ce que j’étais physiquement. On ne savait pas trop qui j’étais. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre qu’engager un acteur, c’est engager une personnalité. J’ai passé des années à me cacher derrière les rôles, à faire exister des gens à la personnalité différente de la mienne, parce que j’aime travailler comme ça.
Si vous deviez continuer l’histoire d’un personnage que vous avez incarné, ce serait lequel ?
J’ai beaucoup aimé être le « Valentin » de Florence Foresti dans sa série Désordres. Autant pour ce rôle de mec normal, loin des compositions de tordus que j’ai fait, que pour la complicité de travail avec Florence avec qui j’ai vraiment adoré travailler. J’aurais aimé poursuivre la vie de nos personnages et de leur rencontre, mais à ce jour aucune suite de cette série n’est envisagée, à ma connaissance. En général, je ne suis pas nostalgique…
Votre dernière expérience au théâtre remonte à 2001 avec la Troupe des Voilà. Vous avez envie de retrouver les planches ?
Je serai heureux d’être au théâtre le soir. C’est un rendez-vous particulier, vous savez. Je me lève le matin et je ne vais penser qu’à ça jusqu’au lever de rideau. C’est très prenant et anxiogène, beaucoup plus qu’un tournage, paradoxalement. Pour réussir à trouver de la détente et du plaisir, il me faudrait un projet chaleureux, qui me donne envie de communiquer le texte chaque soir à un public, ce qui n’est pas toujours gagné (rire).
Quels sont vos prochains projets ?
Je suis fier d’avoir tourné dans la série Extra sur OCS, actuellement en montage. Cette série mélange un tas de registres, on y parle de handicap, de prostitution, de sexe et de famille. Il y a une grande liberté de ton. On était à un niveau d’engagement et d’écriture que je n’ai pas croisé si souvent. J’ai déjà eu de très beaux scénarios comme Villemin de Raoul Speck et Pascal Bonitzer, La Proie d’Éric Valette ou encore La Commune d'Abdel Raouf Dafri dont je garde en mémoire cette passion rares des dialogues ciselés et caractérisants. Ensuite, je serai dans la deuxième saison des Bracelets Rouges sur TF1. Le docteur Andra est plus engagé. La production et la chaîne, lors de l’écriture, ont décidé de tirer davantage l’arche de ce personnage. C’était intéressant d’y retourner.
Pour conclure cet entretien, auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?
En se marrant des hommes politiques, ma mère dit : « Dorénavant, ce sera comme d’habitude. »
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