Quinze de ses tableaux vont être exposés le 12 septembre, au cœur de la galerie Roma, à Athènes. Mylène Jampanoï, artiste peintre autodidacte installée depuis trois ans dans la capitale grecque, va voir ses œuvres côtoyer un tableau de Jean Cocteau. Une reconnaissance méritée pour celle dont le parcours artistique est bien plus qu’une simple expression créative ; c’est une quête d’identité, une exploration profonde des liens entre ses origines et son présent, une célébration de la beauté trouvée à la croisée des cultures.
Pour comprendre un artiste, il faut connaître son histoire. Jampanoï, ce n’est ni le nom de son père, ni le nom de sa mère. Un jour, alors qu’elle est encore mineure, Mylène se rend avec son acte de naissance dans la mairie de sa ville, dans le sud de la France, pour obtenir des papiers d’identité. Mais l’acte n’existe pas. Confuse, sa mère lui révélera la vérité : son père, arrivé en France en tant que réfugié en boat people, avait utilisé de faux papiers pour la reconnaître sous ce nom. Cette découverte ne sera pas qu’un changement administratif, mais le début d’une nouvelle vie, de sa vie. Elle voit en ce nom imposé par le hasard une opportunité de renaissance.
À ses débuts dans le cinéma, Mylène Jampanoï a été marquée par « sa performance intense dans un film qui a renforcé ma confiance et m’a appris à me mettre au défi, tandis que de travailler avec un photographe renommé (aujourd’hui décédé) m’a permis de voir la beauté sous un angle différent et à rechercher l’ombre plutôt que la lumière. » Cette capacité à se réinventer la conduit à investir des environnements artistiques diversifiés, où chaque projet devient une opportunité d'exploration personnelle : « J’aborde chaque collaboration avec des réalisateurs ou d’autres artistes avec un cœur et un esprit ouverts, cherchant toujours à enrichir mon parcours créatif. »
Aujourd’hui, la peinture se révèle être son exutoire le plus intime, une manière de s’exprimer avec une sincérité brute et légère à la fois, inspirée « de l'esthétique traditionnelle de mes racines asiatiques, tandis que mon éducation française m'a donné une perspective artistique plus contemporaine. » Cette dualité est le fondement de sa démarche : « Ma peinture est le lieu où se réconcilient les morceaux épars de mon existence. À travers l’art, je ressens une libération des contraintes sociales et des normes imposées. »
Depuis 2021, l’Aixoise d’origine habite dans une ville imprégnée d’architecture, d’archéologie. Dans son atelier, à Kolonaki, où elle peut peindre toute la journée, Mylène se consacre à capturer l’essence même des émotions à travers « ces sans visages, ces créatures » qui dépassent la simple forme physique. Même son choix des couleurs est délibéré pour transmettre ce sentiment, « le bleu évoque la tranquillité, le vert le dynamisme et la contemporanéité, tandis que le blanc - qui est partout - symbolise la pureté et la lumière. »
Dès son arrivée dans ce pays, elle a su qu’elle appartenait à ce lieu où elle y trouve « l’amour et fonde une famille avec un Grec. J’ai promis à mon fils que sa patrie deviendrait éventuellement la mienne. La Grèce exerce pour moi une fascination durable ; c'est presque comme une deuxième maison. Sa mythologie offre une compréhension profonde de l’humanité. Je ne me rendais pas compte qu'à travers l'acte de peindre parallèlement à son enfance dans ce pays, des fragments de moi-même ont imprégné chaque recoin. Parce que c'est ça la peinture. Il s'agit d'imprégner un morceau de votre âme de ce monde éphémère. Désormais, chaque été, j'expose mon travail sur l’île de Tinos. »
Par son art, Mylène Jampanoï explore les nuances subtiles de l’identité et de la mémoire, offrant à ses spectateurs une expérience visuelle et émotionnelle riche en profondeur. Tout comme Jean Cocteau, elle aspire à ne faire plus que de la poésie, trouvant dans la peinture son moyen privilégié pour exprimer cette aspiration. C’est une femme érudite et une artiste accomplie qui sera à rencontrer au cours de cette exposition à la rentrée prochaine.
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