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Velours : "J’ai réappris à marcher, à faire les gestes du quotidien."

C'est une jeune femme sensible et combative face aux épreuves de la vie. Zoé, de son nom d'artiste Velours, signe un voyage musical intime et complexe de sept titres qui met en lumière le talent et la profondeur de son interprète. Par la force de ses textes, Velours chante l'importance de l'amour de soi et du temps pour avancer contre vents et marées. Rencontre.


© Margot Guérillon

« Zoé, ton premier EP, En silence, sera disponible le 19 avril prochain. Quelle a été l’étincelle de départ de ce projet ?

De ma passion pour la musique, je l’ai ressenti quand j’ai décidé d’en faire mon métier et ma vie, peut-être avec beaucoup de naïveté, mais je ne regrette pas une seule seconde. J’admirais beaucoup le travail d’autres artistes, j’étais assidue sur la sortie de leur projet, et ça m’a donné envie d’écrire et de chanter mes propres textes et compositions.


Pour toi, quel est le fil rouge qui relierait les sept titres ?

Le passage à l’âge adulte et les émotions diverses et variées d’une jeune femme en construction et en devenir. J’imagine les tourments, les angoisses, les déceptions et les joies qui vont avec la vie d’une fille de mon âge.


L’album s’ouvre avec On se réparera, une histoire d’amour avec Paris en toile de fond. Comment la ville lumière s’est invitée à ce titre ?

Cette histoire d’amour est née à Montmartre et a grandement contribué à la romance dans la chanson (rires). C’est important pour moi de poser un décor. J’aime beaucoup cette chanson, elle est empreinte de pudeur, même dans ma façon de la chanter en studio de façon très posée. Je ne voulais pas en faire trop, ce n’est pas une histoire d’amour triste, au contraire, il y a plein d’espoir. On a toujours l’impression que l’amour est dramatique, douloureux, mais il y a des moments légers et de questionnements, aussi. J’ai fait cette chanson au moment où ma relation est née, c’est une belle ouverture pour cet EP.


S'ensuit un message de résilience avec Tout s’évapore. Quel problème de santé as-tu rencontré et comment l’as-tu surmonté ?

J’ai eu une grosse scoliose à l’adolescence, je portais un corset et suivais des séances de kiné. Ça a été une grande souffrance, peut-être que ça n’a pas arrangé ce rapport conflictuel au corps dont il est question dans ce titre. Ce sujet revient beaucoup, que ce soit en thérapie ou dans les chansons (rires). Ça a façonné certaines blessures et complexes que je porte encore aujourd’hui. À 17 ans, au-delà de l’aspect esthétique, j’avais beaucoup de douleurs physiques et j’ai décidé de faire cette opération assez risquée. Un mois d’hospitalisation, six heures d’opérations, c’est un beau parcours du combattant. J’ai réappris à marcher, à faire les gestes du quotidien. J’en ai fait cette chanson et dans le premier couplet, je m’adresse à mon chirurgien, Philippe, il suit ma carrière et on s’écrit assez souvent. S’il nous lit, je l’embrasse de tout mon cœur.


© Vivienne Mok

Ce nouveau regard de vie se transpose dans le titre Et je m’évade, un piano-voix écrit un soir d’août il y a trois ans. Quel est ton rapport avec cet instrument ?

J’étais toute seule chez mes parents quand j’ai commencé ce morceau au piano. Je l’ai écrit en une demi-heure max et je ne peux pas le jouer avec une prod, c’est mon moment d’intimité. Le piano m’accompagne tout le temps, j’en joue presque tous les jours. C’est devenu mon instrument favori, de cœur. J’ai fait onze ans de violon, puis je m’en suis détaché avant d’y revenir régulièrement. Les trois quarts du temps, mes chansons naissent du piano, c’est celui qui me sécurise le plus.


Dans quel sens ?

Je me sens un peu cachée derrière, il n’est pas au milieu de la scène mais un peu de travers sur un côté. Sur scène, je commence à chaque fois par un piano-voix, c’est ma manière de me reconnecter à ma chambre et à ce que j’ai pu chanter dedans.


Madeleine est un titre écrit et offert par Marc Lavoine après ton départ de l’émission The Voice. Comment te l’a-t-il proposé ?

Un soir, alors que j’étais en soirée à Marseille, Marc Lavoine m’a appelé à une heure du mat’, à la veille de la demi ou de la finale. On a parlé de tout ce qui s’était passé, comme les battles, puis de ce qu’il pensait de ma musicalité avant de proposer cette chanson. J’étais un peu choquée sur le moment. Je me suis demandé si j'allais réussir à le toucher.


Comment t’es-tu approprié ces mots que tu n’as pas écrits ?

Il m’a envoyé sa version et je me suis mise au piano, comme d’habitude, pour trouver la tonalité et les accords à l’oreille. Ça m’a permis de donner une autre couleur à la chanson. Je ne pense pas que j’aurai pu l’écrire, j’ai beaucoup chanté le répertoire des autres et c’est comme ça que mon rapport à la musique est né.



Ce titre ramène à l’enfance et aux souvenirs. Quelle place occupait la musique à la maison ?

Omniprésente. Je n’ai pas le souvenir exact du moment où j’ai découvert la musique, j’imagine que ça a toujours été là. Ma mère écoutait pas mal de pop rock français et anglophone, mon père de l’opéra avec Mozart. J’ai eu une ouverture assez éclectique. Et apparemment, j’inventais des chansons quand je savais prononcer des syllabes (rires). Ça m’a toujours amusé de créer, d’inventer des petites mélodies. À cinq ans, mes parents m’ont proposé d’apprendre un instrument, j’ai commencé par le violon, puis le piano à la maison et à un anniv', j’ai demandé une guitare. J’apprenais toute seule. Je ne faisais pas mes devoirs en rentrant de l’école, je faisais de la musique.


Après le bac, tu entames des études en psychologie, mais très vite un sentiment de lassitude se fait entendre ?

Je dirai plutôt un sentiment de peur, celui de me voir rester assise pendant cinq ans sur les bancs de la fac. Il y a eu aussi un gros sentiment de flemme, on ne va pas se mentir. Je voulais être musicothérapeute, donc ça ne s’éloigne pas trop de ce que je fais aujourd’hui.


Sur ton compte Instagram, tu as publié un long texte pour savoir où trouver son bonheur, sa place. Qu'est-ce qui te l'avait inspiré ?

Sûrement ma comparaison avec les autres et à tous ces moments où j’ai l’impression que cette sensibilité n’est pas forcément la bienvenue, même si dans le milieu artistique elle nourrit la création. The Voice a été difficile à gérer pour moi, je pleurais beaucoup avant de monter sur scène. J’avais beaucoup d’anxiété et d'angoisse. C’est toujours présent dans ma vie, j’ai une santé mentale assez fragile, je n’ai pas du tout honte de le dire. Ce texte m’est sorti d’un coup, je l’ai écrit dans mes notes et copier, coller directement sur mon compte.


© Margot Guérillon

Qu’as-tu appris à The Voice ?

Je suis très déconnectée de ce que j’ai vécu à The Voice. J’ai l’impression que ce n’était pas moi, tellement c’était immense émotionnellement. J’étais dissociée de mon corps, comme spectatrice de ce qui se passait. On m’en parle souvent, c’est normal, ça fait partie intégrante de mon parcours. Mais à chaque fois, je me demande comment j’ai pu faire ça. Je le vis donc avec beaucoup de recul et de dissociation, avec beaucoup de fierté aussi. J’ai appris à me faire confiance et surtout, c’était gratifiant de voir que je savais faire mon métier.


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

Un ami, Sacha Trilles, a fait un documentaire qui s’appelle Berthe is Dead but it’s Okay sur sa mamie qui a fait le choix du suicide assisté. Son doc (il n’est pas encore sorti) montre tout ce processus, de la maladie jusqu’à la mort. Et dans un extrait, elle compare la vie à un ruisseau, que tout est à sa place, que l’eau finit toujours par couler, et elle conclut par « faites confiance à la vie ». Je l’ai vu à un moment de grande vulnérabilité, j’étais en pleurs devant le docu. Je repense souvent à Berthe et me dit que les choses vont suivre leur cours. »

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