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Marine Bohin : "Je suis arrivée au cinéma par la critique."

Elle voit entre six et sept films par semaine, des séances de rattrapages aux dernières sorties en salles, Marine Bohin fait battre son quotidien au rythme du cinéma. Journaliste et critique spécialisée dans le septième art, Marine s'illustre aussi devant la caméra avec un jeu spontané, méticuleusement travaillé et surtout, très sincère. Dans le film Belle enfant, elle rayonne et bouillonne, aussi dans une échappée vers de grandes et belles réconciliations familiales. Depuis le choc Requiem for a Dream, visionné à l'âge de 15 ans avec "un pote qui l'avait piraté", Marine Bohin partage sa passion à travers ses écrits, ses prises de paroles et désormais dans la peau de personnages... Le cinéma dans le sang. Rencontre.



« Marine, tu incarnes l’une des trois sœurs dans Belle enfant, le premier film de Jim, actuellement projeté en festivals et en avant-premières. Quelle présentation ferais-tu d’Emily, ton personnage ?

C’est une jeune femme qui a un peu de mal à trouver sa place. La relation avec sa mère n’a jamais été dans la communication, elle en souffre et ça l’empêche de devenir adulte. C’est une personne fonceuse, très en colère, qu’on n’aime pas tout de suite. Ce personnage dévoile son charme et un côté plus attachant vers la fin du film.


Qu’est-ce qui t’a plu à la lecture du scénario ?

J’ai trouvé l’écriture incroyable par rapport à l’évolution au sein de cette famille, de la communication aux sentiments. Ça m’a beaucoup touché. J’ai eu la chance de lire la première version, d’être présente depuis le tout début de ce projet. J’ai ri et pleuré. Le texte est simple, intense et fort.


Quels partenaires de jeu ont été Baptiste Lecaplain, Caroline Bourg, Cybèle Villemagne et Marisa Berenson ?

Je connaissais Marisa du film Barry Lyndon de Stanley Kubrick. J’ai fait une fac de cinéma et étudié ce réalisateur, dont ce film. Jouer face à cette grande dame du cinéma, c’était assez fou. Ensuite, on s’est tout de suite très bien entendu avec Caro et Cybèle, nous sommes devenues amis et l’on s’appelle souvent. Et avec Baptiste, c’est encore autre chose. Il a un pouvoir d’improvisation assez phénoménal. Il ne s’arrête jamais, même entre les prises. Baptiste rebondit sur nos mots, nos phrases, c’est une espèce de tornade d’énergie folle. Après chaque journée de tournage, il partait courir dix bornes. Belle enfant n’est pas son premier film, il fait de la scène, mais c’est aussi un très bon acteur. Il m’a beaucoup porté.



Thierry Terrasson, le réalisateur, est aussi connu sous le nom de Jim quand il signe ses bande dessinées. Que connaissais-tu de son univers, de son travail ?

Je l’ai rencontrée pour la première fois il y a pas mal d’années auparavant. Autour d’un café, il m’avait parlé de son envie de faire un court-métrage (que je n’ai finalement pas fait), puis il m’a offert une de ses toutes premières BD, Une petite tentation. Je ne connaissais pas du tout son univers et je me suis assez vite rendu compte de sa notoriété dans son milieu. Je l’ai vu lors des avant-premières du film, beaucoup de ses lecteurs venaient lui parler de son travail.


Le film nous emmène de Paris à l’Italie, à Gênes et à Zoagli (près de Portofino), plus précisément. Quelles images te reviennent du tournage ?

Toute la partie tournée en Italie était idyllique ! J’ai déjà tourné dans des conditions moins fun, où tu as froid et sommeil… Là, il n’y a rien à dire. Tout est absolument merveilleux. Je ne connaissais pas du tout l’Italie, c’est grâce à ce tournage que je l’ai découverte, notamment le Nord, à Gênes et ses alentours. J’ai tellement aimé que j’y suis retournée avec mon copain pour en voir plus, Florence et Rome. Une image me reste en particulier. Dans les derniers jours de tournage, la lumière était sublime, puis on voyait le ciel commençait à virer au noir. Nous étions dans une immense villa et depuis la terrasse, on a vu une toute petite tornade sur la mer, venir de loin et se rapprocher de nous. C’était très impressionnant. Je me rappelle aussi d’une scène vers la fin du film où je dois parler à ma mère. Il faisait nuit (22h passées) et alors que j’étais concentrée à sortir tout un texte loin d’être simple avec beaucoup d’émotion, un spectacle de feu d’artifices imprévus a éclaté et interrompu ce qu’on faisait (rires).



En plus d’être comédienne, tu es journaliste et critique de cinéma. D’où te vient cette passion pour le septième art ?

Je ne pourrais pas vraiment dire. Mon père était assez cinéphile. Petite, je n’avais pas le droit à la télé, ça a peut-être créé une espèce de fascination chez moi. Je lisais les critiques de films dans les magazines qu’il achetait, c’est comme ça que je suis arrivée au cinéma. Ensuite, à quinze, seize ans, je m’y suis intéressée seule, par mes propres moyens, en achetant des DVD à la Fnac avec le peu d’argent que j’avais. J’ai réussi à convaincre mes parents de me laisser faire une fac de cinéma où je suis restée cinq ans, avec un master en théorie du cinéma. Je me levais chaque jour en me disant que j’allais en apprendre plus sur le cinéma, c’était super !


Comment s'étudie le cinéma ?

Je pense qu’il y a plusieurs façons de le faire. On peut apprendre toute la partie technique, comment faire un film, un plan, tenir une caméra ou avoir une belle lumière. Je n’ai pas fait ça. J’ai appris l’histoire du cinéma, son économie, sa philosophie et suivi des cours où l’on m’apprenait à faire des liens entre les différentes formes d’arts.



Cette passion se retranscrit dans le livre Le cinéma de genre au féminin, co-écrit avec Julien Richard-Thomson. Un recueil d’interviews de réalisatrices…

Julien m’a proposé ce projet, il savait que j’abordais le cinéma sous un angle assez engagé et que pour moi, la place des femmes dans le cinéma est un sujet qui me tient très à cœur. Ce livre compile huit longs entretiens avec des réalisatrices françaises dans le cinéma de genre. Ces artistes-là, en étant des femmes dans le cinéma français et réalisant des films de genre, sont doublement à la marge. Parmi les cinéastes interviewés, il y avait des parcours et des regards différents, en fonction de la génération. Dans mon travail de journaliste, l’interview est ce que j’aime le plus. C’est pour moi la meilleure façon pour parler d’art, de cinéma en particulier, et cela permet de créer un lien avec les gens.


Quand tu prépares une interview, tu accumules beaucoup de connaissances sur la personne que tu vas recevoir. Pour un rôle au cinéma, notamment dans Belle enfant, quelle est ta préparation ?

J’ai fait un travail de fourmis en amont, prenant le script scène par scène en écrivant des notes sur les émotions à avoir et s’il y a quelque chose en moi auquel je peux faire appel pour les retranscrire. J’ai passé des heures et des heures sur Spotify à chercher des musiques qui pouvaient me faire penser à un souvenir de ma vie ou à de la colère, du chagrin, c’était extrêmement minutieux.


Baptiste Lecaplain, Marine Bohin et Jim sur le tournage de "Belle enfant"

Quels sont tes prochains projets ?

Grâce à Belle enfant, je viens d’entrer dans l’agence de comédiens Colette, à Paris. Cette agence a un rapport très engagé avec le métier. J’aimerais beaucoup continuer à être journaliste cinéma et comédienne en même temps. Je serai assez triste si je n’en faisais plus qu’un. Dans ma pratique, ces deux métiers se complètent et trouvent un certain équilibre. J’ai des projets d’articles pour le magazine SoFilm, je vais d’ailleurs couvrir le festival de Cannes pour eux. Et puis, on approche des dernières dates avec Belle enfant, de super belles rencontres avec le public sont prévues.


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

« Ris et tout le monde rira avec toi, pleure et tu seras seul à pleurer ». Je l'adore, elle est utilisée de façon très ironique dans Old Boy, mon film préféré depuis un paquet d'années. Il y a également celle de Barney dans la série How I met your mother : « Quand je suis triste, j’arrête d’être triste, et je suis géniale à la place. »

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