top of page

Abdallah Charki : "J’ai envie d’investir toute ma vie dans ce métier."

C'est au cours d'une conversation enjouée avec Abdallah Charki qu'on ressent une énergie vibrante et une passion débordante pour le métier d'acteur et pour la vie, en général. À travers ses mots et son sourire qui s'entend, Abdallah souligne l'importance qu'il accorde à chaque rôle, à chaque opportunité qui se présente à lui. Sans oublier les difficultés de débuts qu'il évoque avec une lucidité touchante. Et toujours animé par cette quête incessante de dépassement. Rencontre.


© Aurore Fouchez

« Abdallah, on te retrouve actuellement au cinéma dans le film Petites mains de Nessim Chikhaoui. Quelle présentation ferais-tu d’Ali, ton personnage ?

Il est équipier dans un palace parisien et va rencontrer une jeune demoiselle, Eva (interprétée par Lucie Charles-Alfred) dont il va subitement tomber amoureux. Ali est solaire, vivant. Il fallait retranscrire le plus de vie possible. Après avoir passé le deuxième casting et lu le scénario, j'ai dit à ma mère que je voulais vraiment avoir ce rôle. 


Quelles images te reviennent du tournage ?

J’ai passé de très bons moments avec Nessim et toute l’équipe. C’était joyeux. Nessim nous laisse une liberté dans le jeu, la direction et la façon d’interpréter. Plus on s’entend bien avec un réalisateur, plus on a envie de le rendre fier et de donner. Pareil avec les comédiennes. Je n’aurais pas pu interpréter Ali avec sincérité si je n’avais pas d’estime pour Lucie, qui est une très bonne actrice. Salimata Kamate (Violette dans le film) a joué dans Intouchables, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? ou En Place sur Netflix. Pour moi, elle n’est pas assez mise en valeur. Pourquoi ? Parce qu’il y a des petites mains dans toutes les formes de métier...


Le film s’attache au sort d’un groupe de femmes de chambre d’un palace parisien et porte l’espoir qu’un combat mené peut être remporté… 

Nessim est toujours dans la sincérité et ce combat le touchait énormément. Il m’a envoyé des documentaires sur la maltraitance des femmes de chambre, ça m’a permis d’avoir une empathie supplémentaire. Dans le cinéma, le pouvoir de faire découvrir différentes histoires, différents univers est magnifique. Faire un film, c’est trois ans de sa vie. Un réalisateur ne peut pas s’investir autant s’il n’est pas dans la vérité. 



Le grand public continue de te découvrir de plus en plus. Au début de l’année, tu étais à l’affiche du film Ma part de gaulois, de Malik Chibane. D’où te vient ce désir d’être comédien ?

Je voulais être boxeur, mais j’ai dû arrêter à cause d’une maladie. Le destin a été magnifique. Je suis tombé sur un concours d’éloquences qui m’a permis de comprendre que j’étais capable de m’exprimer et de faire ressentir des choses à des gens. Après ça, par pure intuition, je me suis dit, j’ai envie d’être acteur. Je ne connaissais pas une seule personne dans ce milieu-là. C’était très dur. J’arrêtais la fac et mon père me donnait un an pour vivre du cinéma, sinon retour en cours. Juste avant la fin de l’année, j’ai été pris sur trois tournages. Bizarrement, mon envie de jouer est venue beaucoup plus tard, après le tournage de Petites mains. Avant ça, j’aimais beaucoup le cinéma, mais sans savoir pourquoi. Après le film de Nessim, j’ai eu, pour la première fois, une pause de six mois, sans tournage ni casting. Le désert complet ; j'ai fait un point sur ma vie. Tous les jours, je me remettais en question. Et j'ai compris ce que j’aimais sincèrement dans ce métier : la préparation des rôles et ce désir de se transformer pour devenir quelqu’un d’autre, tout en restant soi-même parfois, comme dans le film Petites mains. Aujourd’hui, j’ai envie d’investir toute ma vie dans ce métier. 


Chaque soir, après la fac (à Évry), tu allais prendre des cours de théâtre. Quels souvenirs gardes-tu de cette période ?

Ludivine Sagnier m’a récemment appelée pour me parler du film Petites mains qu’elle a beaucoup aimé. On a parlé pendant une heure et elle m’a rappelé la difficulté des débuts, car elle était là pour les voir. En faisant un retour en arrière, c’était une période extrêmement dure. Je finissais mes journées à 23h, je n’avais généralement plus de train pour rentrer chez moi. Je me souviens d’avoir fait une annonce sur les réseaux sociaux pour m’héberger, et parfois un pote m’aidait. J’avais zéro euro et des amendes de trains à payer parce que je fraudais souvent. Zéro nouvelle des casting, aussi. Je n’ai pas eu le temps de m’attrister sur mon sort, je devais avancer. Cette expérience m’a donné une force supplémentaire. 


Et permet d’apprécier davantage les projets… 

Exactement. Il y a quelques années, j’aurais rêvé d’être là où je suis aujourd’hui. Je sais que rien n’est acquis, le chemin est extrêmement long. J’en suis conscient. 


Qu’as-tu appris à l’école Kourtrajmé ?

Je n’y étais pas allé dans l’optique d’apprendre à devenir acteur, mais plus pour me découvrir en tant qu’être humain. Le propre de l’acteur, c’est d’apprendre sur soi. Je ne le savais pas avant. À Kourtrajmé, le metteur en scène est un génie, il m’a beaucoup appris, même sur la vie. Ludivine Sagnier est une personne tellement pure, gentille et honnête ; ça fait un combo magique. J’en suis ressorti différent. 


© Aurore Fouchez

En 2019, lorsque tu passes le concours d’éloquence, tu choisis de parler du harcèlement. Pourquoi ce sujet ? 

J’ai choisi le harcèlement après avoir regardé une vidéo de Jonathan qui m’a beaucoup touché. Depuis l’âge de quinze ans, j’avais un problème au niveau du langage, des difficultés à parler, je n’arrivais pas à prononcer certaines lettres. Ça me complexait beaucoup. Je n’ai pas été victime de harcèlement pur et dur, mais j’ai senti cette chose-là. Je me suis investi pour défendre ce sujet et tu sais, dans la vie, je fais quasiment tout à l’intuition. 


J’ai lu que Rocky t’avait fait « croire en la vie »… C’est-à-dire ?

C’est vrai. Petit, j’ai toujours voulu trouver un rêve. Je regardais beaucoup les Rocky, ça me donnait envie de devenir un grand boxeur, même si j’ai su que je voulais faire ça quand je suis arrivé dans un club à Malesherbes. Voir ce film m’a donné la discipline, le travail, la détermination et surtout la passion. Sans ça, je pense qu’on n’est pas capable de beaucoup de choses. Ces valeurs-là m’accompagnent au quotidien. C’est ce qui m’a rendu artiste. Maintenant, j’ai d’autres perspectives de vie et j’en suis très reconnaissant. 


Cette fibre artistique s’étend jusqu’au piano, comme on peut le voir sur ton compte Instagram… 

Oui ! (Rires) J’ai appris tout seul. Mon père travaille dans un conservatoire et a ramené un piano à la maison. La musique me transporte. J’ai la chance d’habiter à la campagne. Je prends souvent mon vélo, au coucher du soleil et j’écoute de la musique en regardant le soleil tomber. J’ai besoin de ces moments-là pour me recentrer, sentir cette vie en moi et m’épanouir pleinement. S’ouvrir à toutes les émotions permet de s’ouvrir plus au monde. 


Quels sont tes prochains projets ?

J’ai un rôle dans la troisième saison d’Hippocrate, prochainement sur Canal +. J’ai eu très peu de jours de tournage sur cette série, mais mon personnage est intense et a demandé beaucoup d’implications. Ça m’a passionné ! 


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ? 

Elle est un moteur pour moi dans la vie : « N’abandonne jamais, car chaque épreuve est un palier. » 

bottom of page