Bercée aux chants a cappella, Ava Baya s'exprime avec ses notes et chante comme elle enfourche sa moto, avec passion et d'une voix chaude et brute. Sa féminité est douce, puissante, celle de sa génération. Rencontre avec Ava Baya, amazone du bitume !
« Ava, ton nouveau single Idée noire est disponible sur ta chaîne Youtube et les plateformes de streaming. Quelle a été l’étincelle de départ de ce titre ?
J’avais craché mes tripes sur La Rose et le Gun. Pour Idée noire, je n’avais plus de haine, il restait seulement moi, avec mes cicatrices… C’est moins un tiraillement qu’une fatalité, on est après la tempête. Ça y est. Il faut partir. La décision a été prise et c’est comme ça. La guerrière blessée prend la route, seule, et va se régénérer.
Comment ne garder que le meilleur d’une relation toxique ?
Je remarque que c’est politiquement incorrect de dire que c’est toxique et beau, surtout aujourd’hui. Pourtant avec le temps, on se rappelle que ce n’était pas que ça, on se souvient aussi des moments formidables, mémorables, bien calés au creux du cœur. Je sais qu’il y en a qui retournent à ça, parce qu’ils pensent qu’il n’y a que la passion déchirante qui permette de retrouver ces moments. Moi, ça m’a complètement guérie. Depuis ça, je n’ai plus de relation toxique, c’est un choix. Je ne veux plus souffrir. Pourtant, c’était mes pires et mes plus beaux souvenirs, une relation que je n’oublierais jamais après tout. Des fois, la vie m’envoie des petits signes, me rappelle à ces beaux moments ; la nostalgie est un sentiment que j’aime, je la laisse venir et repartir. Elle m’inspire beaucoup dans mon art.
C’est la première fois que tu es seule dans un clip. Ça change quelque chose ?
J’aime bien avoir un partenaire de jeu (une petite fille dans Pandemia et mon amie et danseuse Charmine Fariborzi dans La Rose et le Gun) ; on propose, on réplique, on se laisse modifier par l’autre, on se défie, on se protège, j’adore ! Ça me met au bon endroit du jeu. Le groupe aussi est hyper important, il porte l’univers et ramène une énergie folle (big up à tous les comédiens qui m’accompagnent dans mes clips, ce sont tous des acteurs de dingue). C’était un gros challenge pour moi d’être seule pour Idée noire, mais je le devais pour raconter cette histoire. Moins de fiction, plus à nue. J’ai joué le jeu, ce n’était pas toujours évident. Tu sais, on se sent si seul devant une caméra, il faut savoir jouer avec une machine.
La dimension cinématographique de chaque clip fait écho à la comédienne que tu es. Ava, tu es auteure, compositrice, interprète, ex-gymnaste de niveau national. D’où te vient cette fibre artistique ?
Je ne sais pas. L’envie de vivre je crois. Hypersensible, hyperactive faut bien en faire quelque chose sinon tu te tires une balle (rires). Je voulais changer les choses je crois. Je voulais faire de la politique puis de la philo… Finalement, c’est par l’art que je trouve un sens, c’est actif, infini, con, spirituel, ça touche les gens directement au cœur. Je ne sais pas si je vais « changer les choses » mais ça m’apprend énormément sur le monde et sur moi-même. Je me perds, je me retrouve, je cherche constamment, à dire, à exprimer. Il faut que ça sorte tout simplement. Peut-être que demain je ferai autre chose qui sait ?
Qu’as-tu appris au Conservatoire ?
Le travail en groupe, que je parle trop vite, que je suis instinctive cérébrale, douce et violente, animale et petite fille. Je suis aussi pudique, exigeante. J'ai vu qu'il y avait encore du taf sur les alexandrins, que ma voix et mon corps sont de vrais outils et qu'il ne faut, oh grand jamais arriver en retard. Finalement, tu ne sais rien et tu n'as jamais fini d'apprendre.
Quel est ton rapport avec les planches de théâtre ?
C’est ma formation, ma base, là que je prends le plus de plaisir, tu es complètement sur le fil au théâtre, et cela pendant 1h30… Il y a des gens devant toi qui sont là pour que tu les fasses rire, pleurer, s’ils n’aiment pas, ils te le montrent et inversement. J’adore ressentir cette peur et cette envie avant de monter sur scène. Tu ne sais jamais vraiment ce qu’il va se passer. Tu es entre l’enfer et le paradis.
Sur scène, tu as joué dans Désobéir avec plus de 300 dates.
Plus de 300 dates avec une team de meufs d’enfer, des vraies bombes. Et Sephora Pondi qui est maintenant à la Comédie Française. Wouah ! Ce sont mes amies aujourd’hui. Le spectacle m’a appris à ne jamais refaire la même chose d’un soir à l’autre (sinon tu es foutue). C’est une pièce engagée qui parle de sujets qui parfois dérangent et la réception du public était très différente d’une ville à l’autre (on pourrait faire une analyse sociétale). Ce qui était le plus important pour Julie Berès, la metteure en scène, c’était l’adresse concrète aux gens, elle ne nous a jamais lâchées avec ça. Et ça fait partie de mon bagage maintenant.
En musique, tu t'es rodée dans des jam-sessions et des pianos bars parisiens. Si je te parle du restaurant Aux Trois Mailletz, là où Nina Simone a fait ses débuts, ça a quelle résonance pour toi ?
C'est là où j’ai fait mes débuts… J’avais besoin d’argent, j’ai dit que j’étais chanteuse et ils m’ont engagée. Sauf que je n’avais pas conscience du travail que ça demandait. Il fallait chanter de 23h à 4h du matin, sans micro, sans répétitions, avec un pianiste qui préférait la variété française et moi le jazz. Un gros répertoire donc, avec les touristes et leurs demandes, particulières parfois. Un jour j’ai dû chanter six fois Pour un flirt avec toi à la demande du client, je déteste cette musique. Il faut tenir. C’était une vraie formation.
Adrénaline est l'un de tes premiers titres. La petite fille dont tu parles, c'est toi ?
C’est peut-être moi, ou ma fille je ne sais pas. En fait, un jour j’étais à moto à un feu rouge et j’ai vu le regard d’une petite fille complètement émerveillée devant moi. J’étais émue, et sa mère lui a dit : « c’est pour les garçons, avance ». Un autre jour, sur fond de coucher de soleil (je vous pose un peu le décor), à un feu rouge encore, il y a une vieille femme sur une moto vintage hyper stylée qui est arrivée à mon niveau, elle m’a fait un petit signe de tête entendu et a mis les gaz. C’est moi qui étais émerveillée. Voilà Adrénaline c’est parti de ça, je crois que la transmission pour moi est très importante, celle de femme en femme, de génération en génération. C’est le sujet de ma pièce Valkyrie.
Quels sont tes prochains projets ?
Vous allez pas mal me voir à l’écran l’année prochaine… La série de Booba sur Amazon en effet mais aussi deux autres gros projets sur d’autres plateformes, dont la première série française HBO, je ne vous en dis pas plus.
Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habiteront » de René Char. »
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