Caroline Bongrand, le scénario d'une vie !
Un bon scénario, c'est l'histoire de quelqu'un qui veut désespérément quelque chose et qui a beaucoup de difficulté à l'obtenir. Ce mantra est celui de Caroline Bongrand, scénariste d'un film au nombre effarant de rendez-vous manqués. Caroline n'a jamais baissé les bras. Cette écrivaine de renom et de talent est passée par toutes les tempêtes, mais sa Tour Eiffel, son arme de défense, l'a accompagnée pendant toutes ses années de luttes acharnées, de rencontres plus ou moins aimantes pour donner vie à une histoire folle, à découvrir le 25 août sur le grand écran. Rencontre avec Caroline Bongrand, le scénario d'une vie !

« Le 12 mai dernier, vous avez sorti aux éditions Amphora le livre Eiffel et moi. Vous racontez l’histoire d’un film qui aura mis près de 24 ans à se réaliser. Caroline, pourquoi avez-vous eu envie de nous dévoiler les coulisses de ce film qui sortira, on le rappelle, en salles cet été, le 25 août ?
Un professeur à l’université de cinéma à Lyon m’a dit que ça n’existait pas du tout de voir tout ce qu’il y a derrière un grand film. Et c’est vrai, on voit le résultat mais on ne sait pas ce qui s’est passé derrière. En général, les films mettent entre trois et sept ans à se faire, j’ai trouvé intéressant de raconter une épopée folle, moi-même je n’en reviens pas d’avoir consacré à ce film un quart de siècle, presque vingt-cinq ans de ma vie, mes enfants ont grandi avec. Je ne sais pas comment j’ai fait pour m’obstiner, tenir aussi longtemps, c’est un grand mystère.
Pour un lecteur, c’est intéressant de voir les coulisses, entre Dix pour cent et Le diable s’habille en Prada. Il y a plein d’histoires. Je sais que j’aimerais lire un livre comme Eiffel et moi. J’ai eu envie de raconter mon histoire, peu de gens savent, à part mes proches, que j’ai traversés tout ça. J’ai eu envie d’affirmer quelque chose.
Ce n’est pas votre premier livre. À votre actif on compte 11 romans publiés. D’où vient ce goût de l’écriture ?
C’est difficile à dire. J’ai commencé à écrire dès l’âge de 7 ou 8 ans. À 16 ans, j’écrivais des poèmes, ensuite à l’âge de 20 ans je me suis mise à écrire de vrais romans. J’adore raconter des histoires, créer des personnages, l’imagination… Vous savez, l’écriture, ce n’est pas un métier simple mais c’est un domaine dans lequel on est complètement libre.
Quels sont les domaines, dans l’existence, où on a une absolue liberté totale ? Quand on écrit, on invente l’histoire qu’on veut, il y a une liberté merveilleuse. Je ne suis pas solitaire mais pour écrire je m’enferme toute seule, toute la journée, et ça fait presque 30 ans que je fais ça.
Comme vous le dites dans le livre, c'est un métier d'artisan...
Comme un ébéniste, il faut passer et repasser. Quand on écrit un livre, on écrit le premier jet, ça peut prendre six mois, un an, deux ans, ce qu’on veut, ensuite on le relit et le retravaille. Plus on le retravaille, plus le livre devient bon. Il faut éliminer toutes les choses dont on peut se passer, rajouter là où ça manque.
C’est un métier de patience, d’humilité, notamment quand on est devant la page blanche, qui revient tout le temps, à chaque chapitre. Ce n’est pas parce que vous avez écrit cinquante pages géniales que la page 51 va arriver facilement. Le métier de conteur est un très vieux métier, il y en a depuis que l’humanité existe. Finalement, mon métier est très ancien et je l’aime.
Il faut mettre l'égo de côté et ne pas hésiter à jeter nos scènes préférées dans un scénario...
Exactement. L’écriture scénaristique est un peu différente. Je la rapproche de la construction d’un immeuble. Il y a des règles de récit mais littéralement architecturales, elles ne changent jamais. C’est beaucoup plus technique d’écrire un scénario qu’écrire un roman. Un scénario, c’est une très grande difficulté. Très souvent, je me dis que c’est exactement comme un Rubik’s cube mais avec plus de facettes.
Quand un film sort au cinéma, on est tellement emporté… Moi, ce que j’aime le plus dans l’écriture scénaristique, c’est la fabrique des émotions. J’aime prendre le spectateur par le ventre, le secouer, le malmener, le faire avoir peur, j’adore ça. Au cinéma, la musique d’un film aussi contribue énormément à faire soulever des émotions.