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Chad Chenouga, de l'autre côté de la caméra !

Le cinéma s'est invité dans sa vie et depuis, il ne l'a jamais lâché. Amoureux des mots et des comédiens, le réalisateur Chad Chenouga signe son troisième long-métrage avec Le Principal, un thriller psychologique sous fond de scolarité et d'ascenseur social, deux thématiques qui intéressent le metteur en scène passionné par les histoires sèches, non complaisante du point de vue des sentiments. Rencontre avec Chad Chenouga, de l'autre côté de la caméra !




« Chad, ton prochain long-métrage Le Principal est actuellement en salles. Quelle a été l’étincelle de départ de ce troisième film ?

J’avais été invité dans un festival de cinéma dans l’est de la France pour présenter mon précédent film De toutes mes forces et j’y ai rencontré un groupe de cinéphiles dont la plupart étaient des enseignants. Au fil d’une conversation, l'un d'eux m’a parlé d’un principal adjoint qu’ils étaient trois, quatre à connaître et qui, dans le cadre des corrections du Brevet, est tombé sur une copie douteuse, reprenant exactement les points dans l’ordre du corrigé type. Cette copie a été décachetée et il s’agissait de celle du fils du principal adjoint. De ce qu’ils m’ont raconté, c’était un homme un peu aride avec eux, il ne voulait avoir aucun lien avec l’équipe éducative, même si sa supérieure était fascinée par lui. Le père et le fils n’ont eu aucune sanction, et il a même eu une promotion en devenant principal d'un autre collège. J’ai alors repris ces quelques éléments et je lui ai créé une vie. C’est une histoire ténue, traitée comme un thriller psychologique.


Quels sont les questionnements du film ?

J’ai voulu raconter la pression qu’on peut se mettre concernant notre « carrière » et l’avenir de nos enfants. Le geste de Sabri (Roschdy Zem) est totalement absurde, il triche pour son fils alors qu’il est très bon élève et qu’aujourd’hui, le brevet n’a aucune espèce d’importance. On voudrait que nos enfants deviennent ce qu’on n’a pas été, qu’ils s’élèvent socialement, mais on ferait mieux de se contenter de leur donner confiance et de leur permettre d’éclore, de devenir adulte... Sabri semble avoir tout pour être heureux, mais quel prix est-il prêt à payer pour devenir le principal ? Il y a une portée presque autodestructrice dans son acte.


Tu as réuni un casting cinq étoiles pour ce film. Quelle présentation ferais-tu de tes comédiens ?

Ils sont tous assez différents et c’est ce qui est intéressant. Hedi Bouchenafa a quelque chose de très instinctif. Quand il a passé le casting, il ne savait pas que j’étais le réalisateur (rires). Son personnage, le frère de Sabri, est inspiré de mon propre frère qui est particulier. Il y a d’ailleurs une scène dans un cimetière où ils jouent au "Ni Oui, Ni Non" sur la tombe de leur mère, ce qui rend le moment plus léger et raconte une sorte de retour à l’enfance. Hedi est très fin dans son jeu, on le remarque, c’est un personnage décalé. Marina Hands, elle, est une actrice solide, un peu en retrait dans la vie mais très exigeante, concentrée et agréable dans le travail. Son jeu est très fort. Le jeune Jibril Bhira, pour sa première apparition sur grand écran, a été super. Il est venu de Bordeaux pour passer les essais et il a été convaincant. Enfin, il y avait une belle complicité entre Roschdy Zem et Yolande Moreau. Roschdy avait tout de suite senti les éléments complexes qu’il pouvait mettre dans son personnage. Yolande et lui sont formidables



Quel metteur en scène es-tu ?

J’essaie d’obtenir ce que j’ai en tête, tout en laissant la porte ouverte aux propositions. Pour insuffler de la vie, de l’immédiateté, il ne faut pas avoir des intentions figées, même si je sens quand ça ne va pas et que les acteurs pourraient s’écouter davantage. Ce qui est intéressant, c’est de voir une partie de Roschdy ou de Yolande dans leur personnage. C’est la fameuse question du paradoxe du comédien avec cette frontière si fragile entre être humain et personnage... La direction d’acteurs me passionne depuis des années. J’aime être surpris par les propositions des acteurs…


Jusqu'au moment où un "accident" se crée et donne un instant de vérité...

Absolument. La vie, ce n’est que des accidents. On ne sait pas ce que va faire un acteur, comme dans la vie on n’est jamais prévenu de la réaction de l’autre. Pour te donner un petit exemple, sur cinq prises avec Roschdy, il y a à chaque fois des micros nuances, et elles sont toutes justes. La monteuse se régale dans ces cas-là. Roschdy a aussi cherché la fragilité, l’instabilité, l'endroit où il ne maîtrise pas tout... Pendant le tournage, il m’a dit : « Chad, c’est compliqué ton film parce que mon personnage ne peut jamais être détendu. » Cette tension qui anime son personnage, Roschdy ne la traduit pas de manière poussive ou exagérée.


© Malgosia Abramowska/Why Not Productions

Ton nouveau film a pour principal décor un collège. Quels sont tes souvenirs d’étudiants ?

J’étais un élève très moyen. Quand ma mère était vivante, je vivais des moments compliqués, je n’avais pas un cadre épanouissant pour travailler. Et le paradoxe, c’est qu’à son décès - j’avais alors seize ans - je me suis senti comme « libéré » dans mon travail au lycée après ce moment très difficile. Je n’avais de toute façon plus le choix, il n’y avait plus personne pour m’aider. Il fallait que je me démerde et je suis devenu un très bon élève à partir de la Seconde, en étant le premier de ma classe et en obtenant mon bac avec mention. Ensuite, après un 3ème cycle d'économie et un passage éclair à Sciences-Po Paris, j’ai pu prendre des cours de théâtre sans recevoir une pression parentale puisque j’étais orphelin. Les études ont structuré ma pensée. Puis avec le théâtre et la culture en général, j’ai beaucoup appris, ainsi que sur les plateaux de tournage. Mes études m’ont servi pour le cinéma.


Tu as commencé en tant que comédien, avant d'enfiler la casquette de réalisateur...

J’ai fait la Classe Libre du Cours Florent et le lendemain d’un spectacle de fin d’année à l’espace Pierre Cardin, j’ai pu choisir un agent, ils étaient trois à s’être intéressés à moi. J’ai assez vite travaillé dans ce métier, et l’envie de passer derrière la caméra est aussi vite venue. J’ai réalisé mon premier court-métrage Poison rouge, financé moi-même et sans chaînes ni festivals, puis j’en ai fait d’autres qui ont bien marché, dont un a été nommé aux Césars et a reçu des prix à Cannes. Tout cela a été progressif, ça met du temps. Entre mon premier et deuxième long-métrage, il y a dix-sept ans.


En parlant de réalisation, tu as signé l’excellent et passionnant documentaire Blier, Lecomte, Tavernier, trois vies de cinéma

Je buvais du petit-lait. Il fallait trouver le bon dispositif et réussir à réunir trois mastodontes du cinéma français pour parler de l’idée d’un film jusqu’à sa sortie en salles. Ils ont été géniaux, sans langues de bois, chacun avec leur personnalité. Christine Paillard a trouvé la formidable idée des citations comme fil conducteur du documentaire. Le scénariste est important dans tout projet, il vous accompagne dans ce moment si délicat de la fabrication d’un film : l’écriture. C’est un compagnon qui vous pousse dans vos retranchements. C’est tellement difficile d’écrire… Mais comme le dit Tavernier : « A deux, on est plus forts ». J’aime bien aussi la phrase de Leconte : « On est comme une mouche sur une vitre, on ne sait pas par où sortir jusqu’à trouver ce petit espace qu’on ne voyait pas. »


Le film "Le Principal" actuellement en salles !

As-tu le souvenir d’un conseil retenu durant ton apprentissage du métier ?

Très jeune, j’avais écrit un scénario de long-métrage et j’ai rencontré Marcel Jullian, ex-directeur de la 2 à l’époque et qui avait notamment écrit le film La Grande Vadrouille. Je connaissais vaguement sa compagne et elle m’a mis en contact avec lui. Il m’a reçu dans son bureau, m’a filé des livres de poésie et m’a dit : « Vous écrivez bien, mais écrivez des choses plus personnelles encore. Au revoir Monsieur. » C’était le sage qui me dispensait des conseils de manière minimaliste. Mais je l'ai retenue.


Et de ton côté, que dis-tu aux nouveaux talents ?

De travailler sur la vérité du jeu et montrer ce qu’ils sont véritablement. Pour les apprentis scénaristes ou réalisateurs, je leur dirais de ne pas commencer par écrire des histoires improbables avec des guns partout par exemple, mais d'écrire des histoires dans lesquelles ils peuvent insuffler des choses personnelles. Il faut pouvoir donner accès à sa sensibilité. Apprendre à se connaître, à s’assumer, à travailler sa matière fictionnelle, ça demande du travail et du temps. Il ne faut pas oublier pourquoi on veut raconter une histoire.


Quels sont tes prochains projets ?

Je suis en plein montage de mon prochain film que j'ai co-réalisé avec Christine Paillard dont Jean-Pascal Zadi, Emmanuelle Devos et Raphaël Quenard sont les personnages principaux. Je sors d’une période où j’ai beaucoup bossé, d’où ma fatigue du moment…


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

J’en ai une absurde et pas spécialement fétiche mais que j'aime bien... Un pote d’enfance me disait toujours : « Qui vole un œuf vole un bœuf, mais qui vole un bœuf est vachement musclé » (Rires).

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