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Eliane Umuhire : "Au Pavillon Afriques, je me sens à la maison."

  • Photo du rédacteur: Samuel Massilia
    Samuel Massilia
  • il y a 11 minutes
  • 4 min de lecture

Actrice et productrice franco-rwandaise à la présence magnétique, Eliane Umuhire a été récompensée à l'international et célébrée sur la Croisette pour des œuvres audacieuses. Marraine du Pavillon Afriques au festival de Cannes, Eliane fait partie de cette génération d'artistes pour qui le cinéma est un acte de création autant qu'un geste de transmission. À travers ses rôles et ses engagements - de la mémoire du Rwanda à la défense de l'environnement - elle donne une parole nécessaire, juste, développée, en plus d'être à l'écoute des voix émergentes et invisibilisées. Rencontre.



« Éliane, tu es cette année la marraine du Pavillon Afriques au festival de Cannes. Comment définirais-tu cet espace ?

Je me sens à la maison. Le Pavillon Afriques offre cet espace d’accueil pour les cinéastes des pays africains, de la diaspora et aussi des États-Unis. Il y a des masterclass, des tables rondes de discussions, des projections et une mise en relation entre les cinéastes, les producteurs et les distributeurs. Les films non sélectionnés risquent de partir dans l’oubli, alors que lorsqu’ils sont projetés ici, au Pavillon Afriques, ça leur donne une légitimité et leur permet d’accéder à une distribution. Certains projets sont aussi nés grâce aux rencontres qu’on y fait.


La devise du Pavillon Afriques est « Là où l’Afrique accueille le monde. » Qu’est-ce que ça t’inspire ?

Je vais répondre en paraphrasant une citation de Souleymane Cissé : « La première tâche des cinéastes africains est de montrer qu’ici, il y a des êtres humains et quelles sont les valeurs qu’on peut faire apprendre aux autres. » Cette humanité commune vient de ce qu’on montre, de qui nous sommes, tout en restant ouvert aux autres et à ce qu’ils font. La particularité du Pavillon Afriques est de faire rencontrer plusieurs pays. C'est une ouverture de frontière à l’intérieur de l’Afrique. On les brise aussi par rapport au reste du monde en venant à Cannes.


Quel lien entretiens-tu avec le festival de Cannes ?

Ça reste pour moi un lieu de célébration du cinéma. Ce qui me fascine le plus est la rencontre avec les premiers films, les premiers cinéastes, où l’on sent toute leur créativité. Le festival de Cannes est aussi une scène politique où l’on va parler des sujets actuels. On ne peut pas juste porter de belles robes et un beau maquillage. On a la chance d’avoir un lieu où les yeux du monde peuvent se braquer, des oreilles peuvent écouter, alors autant occuper cet espace-là avec une parole juste pour dénoncer, informer, guérir ou apaiser. Jusque-là, la plupart des projets avec lesquels je suis venu à Cannes étaient souvent des propositions cinématographiques fortes, comme les films Neptune Forst et Augure.



En plus de ton parcours de comédienne, tu es une productrice engagée, avec des documentaires poignants comme The Face of Resilience, sur les femmes rwandaises, trente ans après le génocide contre les Tutsis…

On l’a tourné au Rwanda avec six personnages de femmes dont on a eu des conversations par rapport à la mémoire, à la résilience. Ce genre de récit m’intéresse, surtout au féminin. Voir des femmes parler des défis auxquels elles sont confrontées, exprimer leur faiblesse ou leur force. Je viens d’une culture très prude où parler de ces forces à une connotation négative. Et en même temps, je connais d’autres cultures où l’on s’en vante plus facilement, où l’on dit aux enfants : « You’re great ! You’re geat ! » (Rires) C’est aussi intéressant de voir comment la moyenne d’âge pour les femmes au cinéma continue d’avancer. Des femmes ne cessent pas de pousser les lignes. Mon rêve est de pouvoir contribuer à pousser les barrières qui pourraient nous empêcher de vivre notre full potentiel. En ce moment, l’aspect au financement pour les femmes cinéastes m’intéresse particulièrement. Elles doivent être dans les postes de financements. Si on n’est pas autour de la table où se décident les financements des projets, alors on décidera à leur place quelles narratives seront valables ou universelles, et valent la peine d’être financées.


Tu es aussi membre du conseil d’administration de la Wildlife Conversation Initiative. Quelle est ta mission avec cette ONG ?

Cette initiative me tient particulièrement à cœur. Je suis une grande amoureuse des forêts et à mon plus grand regret, je les vois disparaître. Cette ONG est basée au Rwanda, elle travaille dans la conservation de l’environnement par l’implantation d’arbres traditionnels. Les recherches le montrent et nous le voyons : nos arbres actuels sont très beaux, ils participent à recycler notre air, mais ils n’arrivent pas à retenir le sol. Au Rwanda, pays aux mille collines, il y a de plus en plus d’érosions à cause du réchauffement climatique et de l’intensité des pluies. Avec cette ONG, on va prochainement lancer un festival de cinéma pour les jeunes, accès sur l’écologie, afin de les former au métier du cinéma mais aussi à être aware de l’environnement. Ils pourront ainsi connaître leur rôle à jouer dans la protection de leur communauté, du sol sur lequel ils vivent et participer, bien sûr, à l’enrichissement de la biodiversité.


As-tu participé à des tournages éco-responsables ?

Non, mais je vois beaucoup d’initiatives, de consciences sur les plateaux, comme privilégier le covoiturage. Notre métier contribue à sensibiliser sur l’écologie, mais en même temps, on pollue de dingue ! Le tournage d’une heure, d’un film ou d’une série anglaise, équivaut à cinquante fois le tour de la terre en voiture… Sans parler du streaming. Je salue Ecoprod, présent à Cannes, qui nous montre comment on peut réinventer notre métier. »


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© 2021 par Samuel Massilia.

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