Guillaume Duhesme était un grand consommateur de cinéma depuis tout petit, mais à l'origine l'idée d'en faire son métier était loin de lui. C’est en découvrant le théâtre que l’évidence a raisonné, le jeu d’acteur est fait pour lui. Guillaume n’est pas issu d’une famille d’artistes, ce qui ne l'a pas empêché de vivre de grandes et fortes expériences en passant d’Hollywood à un rôle dans Le Chant du Loup ainsi qu'à un personnage hilarant dans Terrible jungle, à découvrir dans quelques jours dans les salles obscures. Rencontre avec Guillaume Duhesme, le cinéma devant lui !
« Le 29 juillet prochain sort en salles le film Terrible jungle dans lequel tu incarnes Yannick. Que peux-tu me dire sur ce film et sur ton rôle ?
Tout de suite, j’ai été assez impressionné par les dialogues et le ton de cette comédie. J'ai peu lu de scénario comme celui-là, très axé sur la situation, une comédie de l'absurde. Dès la lecture, j’ai trouvé ça vraiment très drôle et j'ai beaucoup ri.
J’interprète Yannick, un gendarme qui travaille en duo avec Fabrice, un autre gendarme, en Guyane. Ces deux gendarmes sont toujours dépassés intellectuellement par ce qui se passe autour d'eux. Yannick a du mal à suivre, il s'en remet toujours à son supérieur hiérarchique, incarné par Jonathan Cohen, qui est pour lui un guide, un modèle, le chef des gendarmes. Sauf que le personnage de Jonathan Cohen n'est pas plus perspicace que ses employés (rires).
Chantal de Bellabre (interprétée par Catherine Deneuve) va faire appel à ce groupe de gendarmes pour essayer de retrouver son fils Eliott (incarné par Vincent Dedienne) qui est perdu dans la jungle.
Quels souvenirs gardes-tu du tournage ?
Jouer avec Catherine Deneuve, Jonathan Cohen, ça a été incroyable. Le tournage a eu lieu à La Réunion, on y était tous pendant un mois et ça a créé une cohésion entre les membres de l'équipe technique, les comédiens et les figurants qui venaient de là-bas. C'était assez fou comme expérience professionnelle. Mais je crois que cette ambiance était aussi liée au scénario - écrit par Hugo Benamozig et David Caviglioli - qui nous réjouissait. Il y avait une effervescence.
Beaucoup de comédies sortent depuis la réouverture des salles...
Cette comédie aura peut-être la particularité de changer les idées aux gens et surtout de les dépayser. Ça se passe au milieu d'une jungle tropicale avec des personnages improbables, complètement loufoques. Pour moi, ce film a un petit côté « La Cité de la peur », il y a moyen pour que certains personnages deviennent un peu cultes.
On va parler de ton parcours dans le cinéma, un métier pour lequel tu ne pensais pas pouvoir vivre...
C'est un peu particulier puisque mon désir de devenir acteur est né sans que je le réalise. J'étais passionné de cinéma depuis tout petit, j'aimais observer les gens, leur façon de bouger, leurs gestes, ça me fascinait, mais je venais aussi d'une famille où il y avait très peu d'exemples de parcours artistiques. Le désir de jouer est venu inconsciemment, à 23 ans, un peu comme une pulsion et sans trop savoir pourquoi, j’ai poussé la porte d'un cours de théâtre situé dans un endroit improbable, rue Saint-Denis, au milieu des sex-shops (rires). Ça m’a encore pris pas mal d'années pour admettre et considérer que ça allait être un métier. Une fois que j’ai découvert le théâtre, je n'ai jamais voulu faire autre chose, je crois que ça me correspondait profondément.
Comme beaucoup de comédiens, tu passes par la case "théâtre"...
J'ai fait un peu de théâtre, c'est ce qui se met en place le plus naturellement à la sortie des cours. J'avais joué dans la pièce « Glengarry Glen Ross » de David Mamet, je jouais un personnage d'agent immobilier véreux, New Yorkais, assez arriviste et sans morale, le personnage de Roma. C'est une pièce que j'aimais beaucoup mais mon premier amour reste le cinéma. Petit, je dévorais plusieurs films par jour.
Quels ont été tes débuts face à la caméra ?
Mes tout premiers pas au cinéma ont été dans le film « Orpheline » d'Arnaud des Pallières. J'avais un tout petit rôle et juste après, j’ai eu un rôle plus important dans le film flamand « Le passé devant nous » de la réalisatrice Nathalie Teirlinck. C'était un film très fin sur une escorte girl, interprétée par Evelyne Brochu, qui se retrouve à devoir s'occuper d'un petit garçon qu'elle avait abandonné à la naissance. Je jouais l'oncle de cet enfant qui venait la voir pour lui annoncer que son ex petit compagnon était mort et qu'elle allait devoir s'occuper de son enfant.
J'ai beaucoup aimé mon personnage et surtout travailler avec cette réalisatrice, elle avait une grande sensibilité par rapport au jeu. On était convoqué sur le plateau uniquement si l'équipe était prête à tourner. On arrivait sur le plateau et elle lançait le moteur immédiatement pour qu'on ne réfléchisse pas, sans consignes. Parfois, elle tournait sans nous le dire et c'était très agréable, il y avait une sensibilité et une attention au jeu qui venait aussi du fait que l'un des acteurs était un enfant et qu'il fallait se mettre au service de sa spontanéité.
Des premiers pas au cinéma qui t'emmènent vers le format série...
Pour la série Osmosis, c'était de la science-fiction, un genre assez rare au cinéma en France. C’était une des premières productions de Netflix, il y avait des décors de SF avec tout un maquillage où on nous mettait quelque chose de luisant sur la peau pour qu'elle soit brillante. Le format série va beaucoup plus vite, on ne doit pas entrer la même quantité de rush par jour. C'est une autre mécanique mais ça dépend beaucoup des réalisateurs.
L'an dernier, tu figurais au casting d'un des meilleurs films de 2019 en incarnant un élaborateur dans Le Chant du Loup. Quels souvenirs gardes-tu de ce film très audacieux ?
C'était une formidable aventure ! Je n'avais jamais lu un scénario de ce genre-là en français. J'ai tourné pendant dix-huits jours avec des acteurs incroyables - François Civil, Reda Kateb, Omar Sy, Mathieu Kassovitz - c'était intéressant de les voir jouer. Dès le tournage, on sentait quelque chose d'assez unique, être enfermé autant de temps dans un sous-marin, même si c'était souvent un décor, créé des liens et a donné une camaraderie assez unique sur ce tournage.
Avant la période de confinement, tu as vécu une aventure extraordinaire avec le court-métrage Une soeur en allant aux Etats-Unis, à la Cérémonie des Oscars. Quels souvenirs en gardes-tu ?
On passe différents tours pour arriver dans les cinq nommées aux Oscars. Je me souviens du message de la réalisatrice Delphine Girard m’annonçant qu’on allait aux Oscars, c'était surréaliste (rires). On a passé deux semaines sur place, à Los Angeles, avec Delphine et le producteur Jacques-Henri Bronckart à visiter des endroits emblématiques comme la bibliothèque des Academy Awards où il y a toutes sortes d'objets qui ont fait l'histoire du cinéma hollywoodien. Il y avait des fiches de directeurs de casting sur Robert de Niro, avant qu'il ne connaisse son succès avec "Mean Streets", où c’est écrit à la main que Robert de Niro n'est juste bon pour jouer l'italien et le français, qu'il fait beaucoup plus que son âge et qu'il sera juste bon pour de la comédie (rires). Quelque temps après, il tournait avec Scorsese et la carrière qu'on lui connaît démarrait.
On est vraiment rentré dans les coulisses du cinéma hollywoodien. Il y a eu la soirée de remises des prix avec un show incroyable, à l'américaine. Dans les coulisses, on a rencontré Joaquin Phoenix. Il y avait un côté improbable à voir tous ces acteurs célèbres et au fait d'assister à cette cérémonie, c'est sûr, mais pour moi l'expérience a surtout ravivé mon envie de cinéma. D'ailleurs, le plus beau souvenir que j’ai de là-bas c'est la projection du court-métrage de Delphine dans la salle des Academy Awards et l'accueil qu'a reçu le film. Le public était très réceptif, les gens réagissaient pendant la projection.
Une magnifique expérience professionnelle et humaine. D'ailleurs, comment as-tu rejoint ce projet ?
Delphine m’avait vu dans deux autres courts-métrages : « Le sommeil des Amazones » de Bérangère Mcneese où je jouais un petit voyou dans le métro et dans « Les corps purs » avec un personnage taiseux mais assez brutal.
Elle cherchait un interprète pour jouer ce personnage masculin qui commet une atrocité, le viol. Et elle voulait quelqu'un qui ne juge pas son personnage, qui n'ait pas de distance, en le jouant. On a fait des essais chez l’assistante mise en scène, on avait déjà pas mal parlé du rôle, et ce qui me tenait à coeur était de comprendre le cheminement de vie (et non intellectuel) qui amène à cette rupture. Ce qui amène à ce décrochage... par rapport à notre humanité.
Ce qui est super avec Delphine, c’est qu’elle a une façon de travailler qui me correspond très bien. Ça passe beaucoup par le corps et l’improvisation. Il y a un travail et une recherche autour de l'instinct...
Être dans la noirceur ne te dérange pas, mais quel rôle rêverais-tu d'incarner sur le grand écran ?
Comme beaucoup de comédiens, j’ai le fantasme d'avoir un rôle dans lequel je puisse totalement m’oublier. C'est aussi lié au metteur en scène, au type de projet, j’ai vraiment ce rêve d'un jour avoir un rôle où on tournerait tout le temps, et on vivrait ce que vit le personnage, un peu comme dans les films de Cassavetes ou Andrea Arnold où c'est presque du documentaire. Ça serait comme une virée en mer, une odyssée collective. J’aime aussi les personnages contradictoires, à la fois très fragiles et très brutaux en même temps.
Quels sont tes futurs projets ?
Je tourne le mois prochain dans le nouveau long-métrage de François Ozon. J’ai un autre film belge dans lequel je joue un personnage de voyou. Il y a un long-métrage indépendant dans lequel j’ai tourné il y a un peu plus d'un an, qui s'appelle Noise, où j’ai joué pendant deux mois de façon ininterrompue. Il devrait sortir prochainement, soit en salles, soit sur une plateforme en ligne.
Que peut-on te souhaiter pour le futur ?
Des rencontres... »
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