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Jammeh Diangana : "Ça a été un combat pour avoir ce rôle."

L'éloquence, la simplicité et donner le meilleur de soi-même : que de similitudes entre le jeune Soulaymaan dans Banlieusards et le comédien Jammeh Diangana. « Nos personnages ne sont pas très éloignés de nos réelles personnalités, c'est pour moi la force du projet », en plus d'un scénario bien écrit pour les deux opus, dont le dernier souligne avec émotion et amour la famille, les origines, l'attachement aux traditions, la relation avec la mère, mais aussi l'absence du paternel. Jammeh surprend encore dans ce Banlieusards numéro deux. Et ce qui était une option pour récupérer des points au bac est devenu sa vocation, au point de désirer mettre en scène ses propres histoires et jouer dedans.



« Jammeh, on te retrouve dès aujourd'hui dans Banlieusards 2 sur Netflix. Dans quel état d’esprit est Soulaymaan, ton personnage ?

Il était présent au moment où son petit frère Noumouké (Bakary Diombera) s’est fait tirer dessus et que Demba (Kery James), le grand frère, s’est opposé pour que la balle ne le touche pas. Soulaymaan est revanchard et il va prendre son courage à deux mains pour aller tirer sur l’un des protagonistes. On ne touche pas à la famille. Soulaymaan est aussi très carriériste avec l’envie de devenir avocat, de pouvoir aider les gens et d'en faire plus pour eux à travers son métier.


Soulaymaan va faire sa première plaidoirie. Être dans l’atmosphère d’une salle d’audience et porter la robe d’avocat, comment as-tu préparé cette séquence ?

Je ne vais pas te mentir, ça a été stressant. Je me suis mis la pression. La séquence n’a pas été facile à tourner, mais on a réussi à la faire avec toute l’équipe. C’est l’une de mes scènes préférées. Alessandra Sublet est une super partenaire de jeu, j’avais l’habitude de la voir présenter certains programmes télé et partager l’écran avec elle a été un honneur pour moi. Je m’accroche beaucoup à l’humain et Alessandra est une très belle personne. Je l’ai considérée comme une supérieure hiérarchique dans le jeu, mais aussi au vu de son parcours.


Les trois frères Traoré vont se réunir avec un voyage en Afrique. Comment s’est passé le tournage au Sénégal ?

Il s’est extrêmement bien passé. Quand on tourne un film sur un autre territoire, une autre coproduction nous prend en charge. Je suis originaire de la Gambie et du Sénégal, donc tourner sur la « Terre-Mère » a été un honneur. Il y a eu beaucoup de moments marquants comme la séquence d’enterrement. Ça a aussi été l’opportunité parfaite d’aller sur l’île de Gorée où je n’avais pas eu l’occasion d’aller plus jeune.



Comment avais-tu abordé Kery James à l’occasion de sa pièce A vif ! à la Maison de la Musique de Nanterre ? Raconte-moi ton parcours pour arriver jusqu'à Soulaymaan.

En 2016, je passe mon bac et je choisis l’option théâtre pour valider mon diplôme. Une pièce a été montée et à la fin de l’année, on a fait une représentation. Tous mes proches et mes amis étaient venus me voir en me conseillant de continuer. Au début, je ne me voyais pas faire ce métier-là, mes parents voulaient plutôt me voir dans un métier plus respectable. Et puis je me suis rendu compte, au bout d’une année, que l’université ne me plaisait pas. J’ai repris contact avec mon ancienne prof de théâtre, Thérésa Canavo, et elle m’invitait régulièrement à voir des pièces, dont celle de Kery James pour sa première à Nanterre. Le lendemain après-midi, je suis allé avec une classe à la Maison de la Musique pour un question-réponse avec Kery. On a beaucoup échangé, c’est un artiste que j’écoute depuis tout petit. Au fil de notre conversation, il m’a demandé si ça me tenterait de faire du cinéma. J’étais partant et il m’a parlé de son projet de film. A l’époque, il a eu des problèmes de financement. J’ai alors suivi Kery James dans les différents théâtres où il allait pour lui réitérer mon envie de jouer dans son film. Un an après, Netflix est venu le produire et le casting a repris. Je passe le premier tour, les directeurs de casting ressentent que je suis dans mon élément. Pour le deuxième tour, j’ai deux textes à apprendre, un avec mon petit frère et que je n’ai pas bien réussi, et la scène où je me prends une pêche de Kery dans le ventre. Je sors du casting à 50/50, je ne sais pas comment ça va se passer. Une semaine après, on m’appelle pour me dire que je ne suis pas sélectionné, qu’ils prennent une personne déjà dans le cinéma. J’appelle le directeur de casting pour lui dire qu’ils font une erreur, que je suis la personne qu’il cherche, je leur demande de me faire confiance et il me répond : « Ne soit pas remonté. Reste actif, si j’ai un petit rôle à t’accorder, je le ferai. » A trois jours du début du tournage, il me rappelle en m’annonçant que la personne n’était finalement pas la bonne. Ça a été un combat pour avoir ce rôle.


© Aymeric Long

Pour ton premier cours, Madame Canavo te demande de chanter une chanson alors que tu ne connais personne…

Elle nous avait demandé d’interpréter un titre qu’on affectionnait particulièrement. Je suis un grand amoureux de rap et j’ai chanté Dans une autre vie de Youssoupha. Elle a aimé le titre et on l’a gardé pour la représentation d’une pièce inspirée du roman Lune jaune, la ballade de Leïla et Lee. Madame Canavo m’a beaucoup apporté humainement et artistiquement. J’ai beaucoup de chance de l’avoir dans mon entourage encore aujourd’hui. Quand on me disait, plus jeune, que la vie est une question de rencontres, je ne le comprenais pas. Aujourd’hui, je peux dire que c’est vrai, en plus du travail.



Vous avez joué cette œuvre de David Craig au théâtre des Amandiers. Tu t'es senti tout de suite à ta place sur scène ?

Oui, je pense. En primaire, mon institutrice Mme Sandra Thévenet avait monté un cycle opéra à la Maison de la Musique. J’ai commencé par faire un peu de scènes et à m’y sentir bien. Ça s’est confirmé avec Madame Canavo et la troupe Corps et Identités. Il y a toujours le petit stress du début qui peut te faire flancher et mettre le doute, mais une fois sur scène, la sensation est très forte. On peut faire le comparatif avec le terrain de basket. Dans les deux cas, j’ai envie de performer.


En 2018, tu as remporté le concours de prise de parole Eloquentia. Que retiens-tu de cette expérience ?

Dans un premier temps, ça m’a montré que rien n’était impossible. Cette expérience m’a énormément apporté. J’ai appris à débattre et à extérioriser mes pensées. De base, je suis très timide et réservé. Ça a été mon terrain de jeu pour m’exprimer et me mettre en valeur.


En finale, tu dois répondre, à la négative, à cette question : « Faut-il garder le silence ? » Quel rôle joue le silence dans ton métier ? Il y a en a beaucoup entre Soulaymaan et ses deux frères…

Le parallèle est beau. Pour moi, je trouve malheureux que ce silence soit présent dans la famille Traoré. Aujourd'hui, j'ai envie de combattre contre cette idée de garder les sentiments pour soi, même si ça reste compliqué quand on a reçu une éducation de pudeur. J’aborde ce sujet dans un court-métrage dont j’ai terminé l’écriture récemment. La plaidoirie au Panthéon me l’a inspirée.


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

« Dites à vos proches que vous les aimez, parce qu’avec des si on refait le monde mais avec le silence, qu’est-ce qu’on fait ? »



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