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Laurent Couson : "J'ai toujours été fasciné par la culture indienne."

  • Photo du rédacteur: Samuel Massilia
    Samuel Massilia
  • il y a 2 jours
  • 5 min de lecture

Il y a chez Laurent Couson cette façon rare d'accorder les mondes, entre musique et cinéma. Artisan du son, il traverse les disciplines en même temps que les continents, avec une curiosité insatiable pour l'autre et l'envie de retranscrire fidèlement et avec justesse les émotions de chaque culture. Chez lui, la création est un acte de paix, un espace de dialogue, une manière d’habiter le monde en musique. Rencontre.


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« Laurent, vous faites partie des membres du jury de la 3ᵉ édition du Gange-sur-Seine, du 10 au 14 octobre, à Paris. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre ce festival du cinéma indépendant indien ?

J’ai rencontré Chayan Sarkar (le fondateur et directeur du festival), un garçon très sympathique, l’année dernière lors de sa précédente édition, et j’ai trouvé son initiative super. J’ai aussi quelques liens avec l’Inde, pour y avoir travaillé, notamment avec Claude Lelouch pour son film Un + Une, avant d’y retourner plusieurs fois pour y donner des concerts. J’ai toujours été fasciné par la musique indienne, sa culture et, par extension, son cinéma. J’ai vécu pendant presque 5 ans en Asie et quand j’étais directeur de l’orchestre de Bangkok, on enregistrait des films de Bollywood.


Quelle est votre connaissance du cinéma indépendant indien ?

Je connais bien les comédies musicales indiennes et je remarque que les acteurs indiens sont un peu comme les acteurs américains : ils savent chanter, danser et jouer la comédie. Dans ce festival, les films seront différents, indépendants, et je suis très curieux de découvrir ce cinéma que je connais moins. Je suis tellement touché par cette culture que je devrais passer un très bon moment.


Que signifie pour vous d’être indépendant dans la création artistique aujourd’hui ?

C’est un mot que je connais bien, puisque je me considère aussi comme un indépendant. C’est à la fois une liberté et une contrainte. Comme le dirait mon cher mentor, Claude Lelouch : « La contrainte sollicitant l’imagination, c’est souvent quand on est face à l’adversité de faibles moyens de production ou de la nécessité de produire les choses soi-même que l’on trouve les idées les plus intéressantes. » Je crois beaucoup à ça. C’est aussi beaucoup de travail, d’engagement et surtout de forces, parce qu’il faut croire dur comme fer en soi si on veut arriver à convaincre les autres.


Cet été, vous avez publié votre dernier album, intitulé Dream Life (29 titres composés avec l’orchestre de Bangkok). Comment le présenteriez-vous ?

Cet album a un lien très fort avec l’Asie. On y retrouve des musiques de films faites pour le cinéma chinois, lorsque j’habitais en Asie. Elle n’était jamais sortie et je les ai remasterisés. Je suis très heureux qu’elles soient désormais disponibles à l’écoute. Cet album fait voyager, emmène dans des sonorités et une certaine méditation. Les principaux titres sont extraits du film Dream Life qu’on peut voir sur Youtube. D’autres ont été faites avec un jeune réalisateur indépendant.


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Quelle place occupait le cinéma et la musique dans votre enfance et votre adolescence ?

Je me souviens de l’ouverture extraordinaire qui m’a été donnée quand j’ai découvert la musique classique très jeune, alors que je ne viens pas du tout d’une famille de musiciens. J’ai eu l’envie immédiate d’en faire mon métier. Pour le cinéma d’auteur et indépendant, je m’y suis plongé beaucoup plus tard. En arrivant à Paris dans les années 2000, je passais ma vie dans le Quartier Latin. J’engage tout le monde à fréquenter leurs cinémas, un des derniers bastions parisiens où l’on peut regarder des films assez extraordinaires venant du monde entier.


À votre arrivée dans la capitale, vous avez joué du jazz dans les hôtels, les cabarets et les pianos-bars. Quelles images vous restent-ils de cette période-là ?

Une certaine joie de vivre. Dans le Paris actuel, je n’arrive pas à retrouver des endroits où, à l’époque, on avait cette liberté de jouer, de chanter, de faire la fête autour de la musique. Il y a maintenant peu de lieux où l’on peut accéder à un piano pour y jouer. On dirait que c’est devenu quelque chose d’interdit, qu’il ne faut pas faire trop de bruit ni chanter trop fort. Quand je suis arrivé dans les années 2000, en tant que musicien, je n’avais pas de mal à trouver du boulot. Je jouais aussi bien du jazz, de la comédie musicale dans des cabarets et de la chanson. Tout ça m’a formé. La musique, c’est la vie.


Vous êtes diplômé des plus grandes institutions parisiennes. Qu’avez-vous appris ?

Être chef d’orchestre et compositeur nécessite un haut niveau technique, et on ne peut pas l’acquérir sans passer par toutes ces classes théoriques, où l’on doit maîtriser parfaitement l’écriture, l’harmonie et le solfège. J’ai reçu un vrai apprentissage.


Comment s’est présentée la composition de musique de film ?

Ça a été avec Claude Lelouch. Depuis 25 ans et notre première rencontre, je travaille sur tous ses films. Il m’a dit : « Tu es fait pour moi. » Peut-être par mes différentes casquettes : écrire une chanson, faire du jazz et de la musique symphonique. Dans ces films, beaucoup d’esthétiques musicales se côtoient, il n’y a pas de barrière, mais une certaine liberté. Il laisse aussi place à l’improvisation. Claude est le premier à m’avoir donné sa chance et ça continue avec son prochain film. C’est plus qu’une collaboration, c’est une grande amitié qui nous lie.


C’est quel exercice, à chaque fois, de faire la bande originale d’un long-métrage ?

Tout d’abord, il faut arriver à décrypter ce qui est dans la tête d’un metteur en scène. On est à son service. Il a des envies et comme il n’est pas musicien, il les exprime avec des mots qu’un musicien doit savoir décoder. Un metteur en scène aime aussi être surpris, avoir des propositions, mais on ne doit pas oublier qu’on sert une image, un propos, même si parfois la musique prend le contrepied. Pour moi, une bonne musique de film ne doit pas souligner l’image, mais en donner une autre lecture. On est avant tout au service du visuel. J’aime aussi connaître la personne en face de moi, comprendre sa direction, ses goûts. Aujourd’hui, avec Claude Lelouch, on a une telle complicité que je le connais par cœur.


Ce que j’aime aussi dans votre démarche, c’est votre envie de démocratiser la musique classique. À la radio, vous avez animé l’émission La musique de ma vie, sur RCJ, dans le but de partager avec un invité la musique classique autrement, notamment à la jeune génération. Avec quels mots peut-on donner confiance à un public non initié pour s'intéresser à la musique classique ?

En leur disant, simplement : « C’est pour vous. » La musique classique est pour tout le monde. Je ne rejette pas entièrement la faute sur les personnes qui ne sont jamais rentrées dans une salle de musique classique. Ça peut être impressionnant et on peut avoir besoin d’être pris par la main, car on n’ose pas forcément la démarche. J’en veux aux structures de musique classique ayant beaucoup fermé cet univers, en y mettant une image qui semble réservée à certains initiés ou à des gens ayant certains moyens. Tout ça est faux. Les places de concerts dans la musique classique coûtent dix fois moins cher qu’une place pour une star au Stade de France. C’est incomparable. Deuxièmement, la musique jouée est tellement universelle et accessible qu’elle est faite pour tous.


Quels sont vos prochains projets ?

Ma prochaine création, dont je suis l’auteur, le chef d’orchestre et le producteur, s’appelle The Book of Life. C’est un rendez-vous annuel autour de la paix et du dialogue entre les cultures, les religions et les peuples. Elle est écrite en neuf langues différentes et sera interprétée par 70 musiciens et choristes le 24 novembre prochain dans la magnifique église de Saint-Étienne du Mont, place du Panthéon, à Paris.


Pour conclure cet entretien, auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?

« Qui crée de l’art, crée le monde entier. » Le monde entier, j’ai envie qu’il soit créé par des êtres vivants et non par des machines. »

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© 2021 par Samuel Massilia.

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