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Leslie Medina : "On a envie d'être aimé, d'être validé."

Photo du rédacteur: Samuel MassiliaSamuel Massilia

Les conversations, les rencontres, les échecs et les espoirs inspirent la plume de Leslie Medina. Lors de notre premier rendez-vous en mai 2020, Leslie exprimait son envie de créer un projet sincère et à son image. Son nom ? Bon Courage. Un EP de cinq titres parfumés de mots forts, de textes finement écrits et sublimés par le style et l'authenticité de cette artiste aussi à l'aise micro en main qu'en face de la caméra. Franchise et prise de conscience ont raisonné dans cet échange où la bienveillance à régner.


© Gabrielle Riouah

« Leslie, ton premier EP Bon Courage démarre avec un amour imaginaire, inspiré d’une expérience personnelle…

C’est un titre co-composé et co-produit avec Jérémy Azoulay. On l’a créé en studio avec l’envie de toucher le moins possible l’ordinateur et de se concentrer sur de vrais instruments des années 80 et 90. Cette histoire d’amour imaginaire m’est arrivée et j’ai eu envie de raconter cette folie amoureuse, cet amour impossible : tomber amoureuse d’un garçon qui ne connaissait pas mon existence. Lucas Bravo, le garçon dont j’étais amoureuse et devenu acteur de la série Emily In Paris a accepté de jouer dans le clip. Ça a été une vraie manière de fermer la boucle.


Au début, ça m’a demandé beaucoup de courage de lui dire mais une fois que c'est dit, la réaction en face est rarement négative. On est généralement touché ou mal à l’aise mais il y a peu de chances pour que l’on t’insulte. Je reçois beaucoup de témoignages d’hommes et de femmes, à qui il est arrivé la même chose. On est nombreux et nombreuses à avoir eu un coup de foudre non réciproque pour quelqu’un et à s’être monté un film dans notre tête en se disant : « Moi, je vois à quel point on est fait l’un pour l’autre. Pourquoi l’autre ne le voit pas encore ? » C’est assez universel.



D’une relation amoureuse fantasmée on passe à une relation compliquée dans le travail avec le titre Sous emprise

Je parle toujours d’une histoire qui m’est arrivée même si parfois je romance un peu. Quand j’écris un texte, j’aime bien l’idée qu’on puisse se l’approprier et l’appliquer à plusieurs situations. Sous emprise est une expérience vécue dans mon passé en tant que chanteuse débutante dans cette industrie. J’étais tombée sur un partenaire qui avait complètement une emprise sur moi, il voulait que je lui appartienne et il a voulu m’écraser pour que je ne puisse pas avoir assez confiance en moi pour voler de mes propres ailes… J’ai voulu parler des relations toxiques dans la famille, le travail, ça peut malheureusement arriver de partout.


Cet EP est riche de tes mots et des mélodies les accompagnant. Avec Venise, tu m’as donné envie de visiter la cité des amoureux… Alfred Capus disait : « Venise est une ville de passion : c’est une ville pour les lunes de miel ou pour les ruptures. »

Il a tout résumé ! (Rires) C’est tellement beau, paisible et hors du temps. Il faut que tu y ailles ! Cette ville évoque le romantisme et l’amour, et en même temps, elle est vouée à disparaître sous l’eau. Ce titre est une histoire d’amour qui bat de l’aile, mais elle va certainement prendre fin. C’est une invitation à faire un dernier voyage. La plaie de ta relation est trop profonde si tu t’engueules à Venise.



Le clip est disponible sur ta chaîne Youtube tout comme Encore Heureux et Amours Imaginaires. Ton identité artistique est soignée, cohérente, on sait que c’est toi…

Depuis Encore heureux, je travaille avec la même styliste Valentine Jaquier et la même équipe de maquilleuses Betty et Laurine Maciejewski. Ce sont des femmes avec lesquelles j’échange énormément sur la direction artistique des clips. Ensemble, on essaie de construire un fil rouge et l’identité la plus sincère possible pour coller au mieux sur ce que je veux raconter. Ça me fait plaisir que tu le remarques.


C'est important de garder son authenticité dans une société où les réseaux sociaux nous poussent à se comparer quotidiennement...

Et puis on a envie d’être aimé, d’être validé. Dès que tu rentres dans un milieu professionnel avec le souhait d’en faire ton gagne-pain et l’envie de toucher les gens, tu dois adopter certains codes pour que ton art leur parvienne. Ensuite, dans un second temps, tu vas peut-être pouvoir prendre plus de libertés. Je pense à Billie Ellish. Ses premières chansons étaient assez folks et sobres, en guitare voix. Elle avait bien sûr déjà une identité très forte mais c’est sur son second album qu’elle s’est autorisée les cheveux bleus, les yeux révulsés et des instrus surprenantes.


© Alexia Bakar

Après un amour non-réciproque et une relation toxique, tu évoques un comportement rebutant dans Encore heureux

Dans une relation, il y a toujours deux perceptions de la réalité avec deux envies, deux ego, deux états d’âme, deux humeurs qui s’affrontent. Parfois, on est souvent en partie responsable d’une situation, parce qu’on n’a pas osé prendre la parole, exprimer notre vérité ou dire nos besoins. Toutes sortes de conflits peuvent naître de responsabilités de part et d’autre.


Mon intention était de dire : « Si dans le fond, pour toi, je suis la seule responsable et méchante de ton histoire, alors on n’a plus rien à se dire. » Je n’accepte pas d’être blâmée de tous les malheurs du monde. Pour moi, la vie c’est échanger avec bienveillance. Et si t’en es pas capable, sois heureux, mais loin de moi. Une personne s’était mal comportée avec moi. Il était plutôt à 80% responsable et il avait adopté une attitude très égotiste. Il ne voulait absolument pas reconnaître ces torts. J’ai écrit cette chanson suite à ça.


Pour conclure cet EP, tu innoves avec le mot Matrie. Quelle en est ta définition ?

J’ai voulu faire un jeu de mots lourd de sens pour moi. On est dans une société patriarcale où on nous dit que le masculin l’emporte sur le féminin quand on est à l’école et qu’on apprend l’orthographe et la grammaire. Être un homme, c’est la norme. Il est prédominant et les postes de haut pouvoir sont largement dominés par des hommes, ce sont des chiffres, des statistiques qu’on ne peut pas débattre.


© Cynthia Frebour

Cette chanson parle de l’envie de prendre sa place en tant que femme. C’est un message d’encouragement et de sororité. Depuis des centaines d’années, les hommes se retrouvent dans un petit boys club où ils s’entraident les uns les autres. Nous aussi, on va se donner de la force avec l’aide des hommes. L’idée n’est pas de reproduire le schéma de domination masculine, mais de créer plus d’égalités entre les genres et de remettre collectivement en question un système qui, je pense, contribue à beaucoup de malheurs pour tout le monde.


Je suis trop nouvelle dans cette industrie pour avoir senti une quelconque évolution. Un mouvement comme le Music Too a permis d'entendre la parole des femmes victimes d'agresseurs dans la musique. Il y a des prises de conscience collectives. Certains hommes ont l’envie de déconstruire aussi tout ça. Les deux ensemble, c’est un cercle vertueux.


À titre personnel, je me rends compte que j'ai accepté de subir certaines choses que je n’accepte plus du tout aujourd’hui. J’ose dire stop quand je me sens dans une situation d’abus, mais ça n’a pas toujours été le cas. Il faut s’entourer de gens sains. Toute personne qui va essayer de contraindre notre créativité est à fuir. C’est toujours un mauvais signal. »

 

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© 2021 par Samuel Massilia.

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