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Sarah Salazar, recréer la vie !

« C’est comme si tu dormais dans mon corps, patiemment et passionnément, j’aurais tant aimé que tes yeux ne s’ouvrent jamais. » Ces mots, on peut les lire dans Parle-lui de moi, le premier court-métrage de Sarah Salazar sur la trace laissée par les êtres qui nous sont chers. Onze minutes pour découvrir l'ADN d'une réalisatrice et photographe passionnée de lumière, d'images et de textes. Derrière son objectif ou sa caméra ressortent toutes les beautés humaines. Rencontre avec Sarah Salazar, recréer la vie !


© Coraline Busso

« Sarah, ton premier court-métrage Parle-lui de moi est actuellement disponible sur Vimeo. Quelle avait été l’étincelle de départ de ce film ?

Très cinéphile depuis toujours, j'ai pendant longtemps filmer des petites vidéos où je faisais un peu tout toute seule (le montage, l'image, la direction d'acteurs), sans compter que je passais ma vie à photographier tout ce qui bouge (rires). Mais assez vite il me manquait quelque chose et j'avais particulièrement envie de réaliser un film entouré d'une vraie équipe, je ne me l'autorisais pas tellement avant, sûrement par des questions de confiance en moi. Je voulais que mon premier film me ressemble pleinement. J'ai commencé à l'écrire durant le premier confinement, puis j'ai fini par l'auto-produire et le réaliser deux ans après en Normandie, le covid ayant retardé un peu les choses encore plus comme on ne filmait pas à Paris.


Pourquoi as-tu voulu parler du souvenir et de la représentation du deuil ?

J’écris beaucoup et de manière différente sur ces sujets. Je réfléchis énormément à

la trace que laissent les souvenirs et les êtres en nous, qu’ils soient des ancêtres, morts, disparus, qu’on se soit éloigné d’eux, certains restent là, ils hantent notre monde et notre corps. Et il est parfois bien difficile d’habiter le monde tout en étant habité par les autres. J'aime tellement le fait que les métiers de l’image servent à recréer la vie, on comble certains manques de manière presque magique. J'apprécie également à m'inspirer du quotidien, j'ai tendance à imaginer comment je filmerai ce que je vois tous les jours, une sorte de tic (rires). Toutes les personnes qu’on rencontre nous marquent et peuvent changer notre façon de réfléchir, ça fait partie du travail de réalisateur de s'en servir afin de nourrir nos histoires.



Ton film est très photogénique, le cadre est soigné et sublime les acteurs. Quel a été ton travail de réalisatrice ?

Mon scénario était très précis et le rythme de mon film a beaucoup changé au montage. J'ai eu l'immense chance que tous les plans que l'on voit à l'écran sont exactement ceux que j’avais dans ma tête, j'avais l'impression de vivre un rêve éveillé. Avec mon chef op’ et ma cheffe déco on a beaucoup travaillé pour que ce soit proche de mon univers visuel et de ma personnalité.


Est-ce que tu as regardé tes deux acteurs, Lola-Maria Forgeau et Gaspard Bellissant, avec le même regard que tu as quand tu photographies ?

Pour Lola, je l’ai dirigée dans ses mouvements. Ce n’est pas un film avec beaucoup de dialogues, ça passe par la posture. Le corps et les regards expriment beaucoup de choses comme la douleur et le manque. Ma question était de savoir comment ses mouvements pouvaient être les meilleurs dans le cadre pour exprimer ces sentiments douloureux


© Sarah Salazar

Cet amour pour le cadre se voit aussi dans ton travail de photographe, une passion que tu as depuis l’âge de huit ans…

Je me souviens de mon tout premier appareil, c’était un petit Nikon Coolpix, puis à mes treize ans j’ai eu mon premier vrai appareil sur lequel j’ai appris les réglages et depuis, ça ne m’a jamais quitté. Assez tôt, j’ai fait une école d’art et de photographie. Je ne m’étais pas trompée, c’est bien ce que je voulais faire.


Tu te définis comme une photographe plasticienne. C’est-à-dire ?

J’ai utilisé ce terme parce que je travaille beaucoup le corps et quelque part, c’est très plastique comme matière et c'est comme cela que l'on définit les photographes réalisant un travail qui n'est pas de l'ordre du commercial (comme la mode, la publicité). J’adore également la mode et le portrait, je les pratique beaucoup. C’est donc difficile de se définir en un seul mot. Ce que j’aime le plus en photo, c’est la rencontre avec toutes ses personnes différentes qui enrichissent mon quotidien.


On peut découvrir ton travail sur ton compte Instagram. Qu’est-ce que le visage peut raconter de nous ?

Il n’y a rien de plus intime qu’un visage. En tant que photographe, on est un petit peu psy aussi. Ça touche à l’estime qu’on a de soi, au regard que l'on se porte et cette pluralité de regards m'intéresse. J’aime aussi photographier des personnes dont j’aime le travail. Il faut faire comme si on était amoureux de celle ou de celui qu’on filme ou photographie. J’ai envie de les rendre encore plus beaux, c’est mon côté très esthète. Le plus important pour moi est que l'on se sente bien à la fin de la séance.


© Sarah Salazar

Dans ta galerie photo, on peut voir Sylviane, 71 ans, tu dis que cette séance t’a fait grandir. En quoi ?

Ça m’a fait du bien de photographier un corps qu’on voit assez peu pour des questions sociétales je pense, c’est assez tabou. Sylviane a été modèle toute sa vie pour des peintres et des sculpteurs. C’est beau de voir une femme dont le corps a été dessiné, représenté et photographié. J’ai été très heureuse qu’elle accepte de partager ce moment avec moi.


Les clichés en noir et blanc viennent s'inviter au milieu de toutes les photos en couleurs...

J’ai l’impression qu’on se concentre mieux sur la photo. Le noir et blanc est assez intemporel, ça aseptise aussi, on regarde l'image dans son ensemble. Ma série Les Enveloppes, représentant des corps nus dans des ateliers un peu délabrés, traite d’un sujet assez personnel. Je suis atteinte d'une maladie chronique invisible, et j'ai voulu dans cette série représenter mon rapport au corps et à la maladie. Les photos sont justement en noir et blanc, et cela me permet de garder une forme de distance sur ce que je raconte. La couleur rend tout bien plus réel.


Clémence Boisnard - Damien Bonnard - Nadia Tereszkiewicz © Sarah Salazar


Quels sont tes prochains projets ?

J’ai pas mal de séries de portraits et de mode en préparation, sinon je travaille également sur mon prochain court-métrage, un film de 25 minutes. Je suis un peu sur tous les fronts en ce moment.


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

« Un film c'est une déclaration d'amour et de hargne. On déclare sa flamme a de belles allumettes, sans toujours voir les tonnes de dynamite tapies dans l'ombre derrière » du réalisateur Leos Carax.

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