Son cœur bat pour son art. Astrid Roos a gommé sa timidité avec ses premiers cours de théâtre, en amateur. Sur son chemin, le destin lui envoie une belle étoile et la porte du possible s'ouvre à elle avec des premiers projets artistiques à l'étranger. Fan absolue des planches, la connexion avec le public lui manque beaucoup en ce moment. Rencontre avec Astrid Roos, un doux rêve de comédie !
« Comment vis-tu cette période difficile qui nous prive d’accès à la culture ?
C’est assez compliqué. Tout le monde est dans le même bateau. On prend tous un coup avec les projets annulés et des tournages décalés qui ne pourront peut-être pas se faire. Il faut garder confiance et se dire que malgré tout ça, la culture n’est pas morte et qu’elle est bien nécessaire. Pour pas mal de monde, on fait un métier qui ne sert pas. On n’est pas des chirurgiens, on ne sauve pas des vies, mais je pense sincèrement qu’on sauve les gens d’une autre manière. Si on tue la culture, on tue la société.
Apporter de la légèreté au public, une de tes motivations artistiques ?
Pour moi, le jeu est un moyen de communiquer. On peut apporter du rire, du divertissement pour que les gens puissent oublier leur quotidien. Ça peut aussi être une manière de déclencher des prises de conscience vis à vis de sujets sociaux, politiques, psychologiques. Ce métier est vital pour moi. J’ai l’impression que si l’on demande à n’importe qui dans le monde, il nous dira forcément le nom d’un livre ou d’un film qui l’a bouleversé. C’est de l’ordre du viscéral, de l’authentique. Le fait qu’on nous empêche de le faire est assez difficile à vivre. Je ne comprends pas les choix du gouvernement. J’espère que toutes les industries vont pouvoir reprendre correctement leur activité.
D’un bac ES à des études de psychologie, comment s’est faite ton initiation au cinéma ?
Ça s’est fait en plusieurs étapes. J’ai toujours été cinéphile. Petite, j’adorais déjà aller au cinéma. Mes parents m’emmenaient voir les Disney, qui m’ont tout de suite attirée. C’était de l’ordre de l’émotionnel, ça me faisait rêver notamment les personnages masculins (Peter Pan, Aladin). Les princesses, c’était un peu moins mon délire (rires). Une envie d’aventure s’est développée. Je faisais du théâtre après l’école, en amateur. Comme j’étais assez timide, je pense que ça m’a aidé. Tous les enfants devraient faire du théâtre.
Plus tard, j'ai découvert la nouvelle vague et le cinéma Coréen et là c'était foutu, j'étais littéralement devenue accro.
En grandissant, on nous dit que les métiers artistiques ne sont pas forcément des « vrais métiers » et qu’il faut gagner sa vie avec « un vrai métier ». Je suis partie sur un bac ES, c’était la voie la plus large, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire à l’époque. Ensuite j’ai fait des études de psychologie avec l’envie de sauver le monde, en soignant les enfants dès le plus jeune âge. J’étais un peu naïve (rires). Et un manager américain m’est tombé dessus dans la rue et il a un peu changé ma vie.
Il a cru en moi, m’a présenté à mon premier agent, c’est ce qui m’a concrètement lancée dans le métier. Il m’a ouvert la porte du possible. J’ai eu beaucoup de chance, on ne peut pas le prévoir, c’est un beau signe du destin.
Tes premiers pas artistiques se font dans la série Sweet Dream et dans des productions étrangères avec des films tournés au Maroc (Tanjaoui) et en Indonésie (Laskar Pelangi). Que t’évoquent ces débuts dans le métier ?
C’était fou et complètement improbable pour moi. Avant d’arriver à ça, il y a énormément de castings et d’échecs. Je n’avais pas forcément beaucoup voyagé dans ma vie, le cinéma m’a apporté ce rêve avec des beaux rôles à l’étranger. À ce moment-là, tout était bordélique dans ma vie. En plus, c’était des rôles principaux. En France, quand tu n’es pas connu, c’est dur d’avoir un premier grand rôle (rires). Ça a été un challenge et à la fois c’était un peu flippant, de travailler avec des gens dont tu ne parles pas forcément la langue. À chaque fois, j’ai remarqué que je commençais les tournages assez flippée, mais une fois qu’on comprend ce que veut le réalisateur, c’est un bonheur incroyable. Dès que tu arrives à te libérer de la peur, tu peux créer et proposer.
Arrive ensuite les planches, tu multiplies les pièces, de grands classiques à de la pure comédie. Qu’est-ce qui te fait choisir un rôle au théâtre ?
Au début, j’avais une attirance très intense pour le théâtre dramatique. J’ai commencé avec la pièce Bobby Fischer vit à Pasadena, (de Lars Noren), l’histoire d’une jeune fille suicidaire, mère d’un enfant. C’était un tourbillon intérieur et voir le public en larmes, ça a déclenché en moi des choses indescriptibles. J’ai aussi fait une fac de théâtre et de cinéma, on nous emmenait beaucoup vers les auteurs ou metteurs en scène du théâtre public. Petit à petit, par les rencontres de travail et d’auditions, je me suis retrouvée à faire de la comédie, j’adorais en faire plus jeune (avec mes potes on se déguisait etc). Sur scène, on est en direct. On ressent plus facilement les rires même si on peut sentir un public en larmes, c’est moins sonore. Quand ça ne marche pas, tu le sens aussi tout de suite, et tu peux te sentir super mal (rires). En fait, c'est presque plutôt les rôles qui m'ont choisie que l'inverse, j'ai l'impression.
Le public a d’ailleurs beaucoup ri avec la pièce J’ai envie de toi…
Cette pièce était géniale. On était un petit peu le succès de l’année en comédie, c’était complet tout le temps. Le public était en délire. Il y a des soirs, on avait l’impression d’être des stars de rock (rires). Quand toutes les quinze secondes tu as des rires aux éclats, c’est un pur bonheur. En lisant la pièce, j’ai tellement ri. Aujourd’hui, c’est rare de trouver des comédies bien écrites, et je me suis dit que c’était une chance de jouer tous les soirs avec ces super comédiens.
Élire domicile, faire partie d’une troupe…
À chaque fois, c’est une petite famille qui se crée. J’ai eu la chance de tomber sur des équipes avec qui je m’entendais super bien, ce n’est pas forcément toujours le cas (rires). J’adore varier les projets. Je me battrais toujours pour ne pas être enfermée dans une case.
Quel est ton premier sentiment quand la pièce est terminée ?
Quand le public est content, c’est le bonheur ultime. Tu sors de la vie normale pour une heure et demie de magie. Bizarrement, c’est quand je monte sur scène que je suis libérée. Le stress et l’impatience nous mettent dans un état de purgatoire. Une fois que c’est lancé, le plaisir arrive. Le fait de sentir qu’on a fini, d'être allé au bout et sans se planter (rires), ça libère énormément. Le public est notre meilleure reconnaissance. Au théâtre, c’est de l’ordre de l’instant présent, c’est addictif. Après la pièce on va boire un coup avec le public, et aujourd’hui cette connexion me manque beaucoup.
Est-ce que ça peut t’arriver, un soir, de ne pas avoir la motivation de jouer ?
Quand tu joues une pièce plusieurs fois, pendant longtemps, tu as forcément des jours où tu es moins motivé. Si t'as eu des tracas, des drames dans ta vie perso, ça peut être très dur. Mais « the show must go on » ! Le théâtre c’est une équipe, une troupe, un engagement et un public qui a payé sa place, que tu ne dois pas lâcher. Quand tu dois faire rire et que par exemple tu as perdu un proche, c’est compliqué. Mais en même temps, il y a un côté cathartique, ça peut te redonner de la motivation, te déconnecter du réel. Une fois que t’es lancé, l’énergie de la salle te donne la force de continuer.
Un des avantages du théâtre est que chaque représentation, chaque soirée est différente…
Carrément ! On fait ce métier pour changer de rôle régulièrement. Quand tu as une pièce qui dure 3 ans, il faut savoir se renouveler. Au début, se dire que l’on va faire la même chose chaque soir peut faire peur. Mais c’est différent à chaque fois. C’est du spectacle vivant.
Au théâtre, tu as joué dans Maris et Femmes, adaptée du film de Woody Allen. Mais également dans La Garçonnière de Billy Wilder. Dans quel film classique aurais-tu aimé être l’héroïne principale ?
Des personnages comme Uma Thurman dans Kill Bill ou Jeanne Moreau dans Jules et Jim me font rêver. J’aime les femmes qui ont apporté du renouveau dans les personnages féminins. On a quitté les rôles de la femme fragile ou du mec important.
Tu es une artiste multi-facettes : jeu en anglais, publicités, mise en scène, voix off et mannequin. Quelle est ton approche avec tous ces différents univers artistiques ?
Toutes ces expériences me nourrissent. À chaque fois, j’ai l’impression qu’il y a toujours des rencontres qui se font, des moments qui te font grandir en tant qu’actrice. Faire des photos et du mannequinat, au début ça ne me plaisait pas, je l’ai plus fait pour avoir un peu de sous, mais ça m’a appris à mieux gérer l’objectif et à mieux m’accepter. Je fais beaucoup de livres audios aussi, c’est un exercice qui m’apporte énormément, de raconter des histoires et de changer de voix pour chaque personnage, en fonction de leur âge, leur rythme, leur caractère. Ça te permet de traverser plein de choses que tu n’as pas forcément l’occasion de faire au cinéma ou au théâtre.
Si le cinéma permet d’imposer ses rêves, quels sont tes désirs pas encore réalisés ?
La réalisation de films ! Avant d’être comédienne, c’est la réalisation qui me fait rêver, être derrière la caméra et filmer des histoires. Je n’ai jamais pris le temps de passer à la réalisation. J’écris depuis des années des petites anecdotes, des scénarios mais j’ai encore du mal à aller au bout, à mettre un point final. C’est un désir que je souhaite concrétiser, ça dépend de la volonté et de l’organisation, mais je ne suis pas une personne très organisée… (rires).
En octobre dernier, tu as donné une masterclass à l’Académie de l’Acteur. Si tu avais un conseil à donner aux jeunes acteurs en herbe, ce serait lequel ?
Ce qu’il manque le plus dans les écoles en général, c’est ce contact avec la réalité du métier. La technique est primordiale mais c’est toujours intéressant de parler de son expérience. Il n’y a pas de clé ou de magie qui ferait que si tu suis tel ou tel chemin tu seras acteur. La réalité est différente de l’école. Par contre, si tu rencontres les bonnes personnes assez tôt, tu peux mieux cibler les erreurs à ne pas faire, tu perds moins de temps. Je ne suis pas Scorsese mais donner des conseils m’a beaucoup plu. Les jeunes acteurs en herbe étaient très intéressés, ils posaient pas mal de questions, et comme tu peux le constater je suis assez bavarde (rires). C’est de l’ordre de la transmission, même si on n’était pas très éloigné en âge, ça m’a plu de les aider à se concentrer sur l’essentiel.
Pour Claude Lelouch, le plus important c’est l’acharnement. Il ne faut rien lâcher, se prendre tous les vents de la terre, mais on finira par y arriver. Il faut aussi rester soi-même, ne pas chercher à être quelqu’un d’autre. Pendant longtemps, j’ai essayé de correspondre à ce qu’on attendait de moi, je m'inspirais d’acteurs que j’admirais. Ce que les gens ont envie de voir, c’est qui tu es.
Et puis pratiquer même avec les moyens du bord pour ne pas rester sur la déontologie des cours…
On dépend tellement du désir des autres. Si on peut faire ses propres projets, quitte à faire de la merde au début… Plus on pratique, plus on peut se développer et se faire son chemin. Personne ne va venir nous chercher au départ.
Il est aujourd'hui difficile de se projeter, mais as-tu des projets en cours ou qui vont arriver prochainement ?
Il y a des choses prévues qui ne sont pas forcément sûres de se faire. On attend toujours des réponses. J’ai tendance à me dire que tant que je ne suis pas sur le plateau, je prévois que ça n’arrive pas… Cette année, j’ai pas mal de séries qui vont sortir : Paris Police 1900 sur Canal + en février et Escape. J’ai aussi tourné en anglais avec Max Von Sydow dans le film Echoes Of The Past, qui devrait sortir cette année. Ensuite, j’ai plusieurs projets pour l’année prochaine : deux longs-métrages et une série. Et j’espère pouvoir réaliser mon premier court-métrage, on va essayer de tout mettre en œuvre pour que ça se passe bien.
Une citation fétiche à me délivrer ?
« Saute et le filet apparaîtra ». Ça me parle beaucoup (rires). Parfois on a peur de se lancer pour pleins de raisons qui nous empêchent d’avancer, de créer. Finalement, il faut sauter sans savoir ce qui va nous arriver. C’est risqué mais si on attend que le filet soit là avant, il ne se passe pas grand-chose.
Pour conclure, quelle est la personne qui t’inspire au quotidien ?
Dans mon quotidien, il y a mes amis et mon copain qui m’inspirent énormément et me donnent un équilibre assez vital. D’un point de vue artistique, récemment, l’actrice et réalisatrice britannique de la série I May Destroy You m’inspire beaucoup. Elle est tellement engagée, hyper créative, puissante avec un humour incroyable. C’est une femme qui a beaucoup de choses à défendre dans ce milieu et dans sa vie perso. Elle commence à être reconnue. Dans chaque scène, elle donne tout, il y a quelque chose de pur dans tout ce qu’elle fait. Elle est jeune et a déjà fait deux séries nommées aux meilleurs prix du monde. Son engagement me pousse à dépasser mes limites. Sa série m’a donné une envie de vivre et de ne pas passer à côté de ma vie. »
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