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Charlie Pâle : " J’ai pris conscience de ma réelle identité de genre à 23 ans."

  • Photo du rédacteur: Samuel Massilia
    Samuel Massilia
  • il y a 1 jour
  • 6 min de lecture

Son projet explore les transitions personnelles et sociales : de l'usine à la scène, de Nantes à Paris, et de la quête de soi vers l'acceptation de son identité d’homme. Voix d'une génération en quête d'identité et d'authenticité, Charlie Pâle signe avec 8400 jours bien plus qu’un premier EP. Derrière les textes, il y a l’empreinte d’un cœur devenu voix. Et dans cette voix, une urgence : celle d’exister pleinement, d’ouvrir l’intime sans fard. Rencontre.


© Julie Oona
© Julie Oona

« Charlie, ton premier EP 8400 jours sort le 30 mai prochain. Quelle a été l’étincelle de départ ?

Ce sont mes trois transitions les plus importantes de ma vie : d’abord quitter ma famille, mes amis et ma ville de naissance, Nantes, pour m’installer à Paris il y a sept mois maintenant. J’ai aussi bossé pendant huit ans dans différentes usines avant d’enfin démissionner et de tenter de vivre de ma passion. Et puis j’ai fait une transition, en passant de meuf à mec. Avec cet EP, j’ai besoin de soigner tout ça.


Pourquoi ce titre ?

C’est le nombre de jours entre ma première naissance et ma deuxième. J’ai pris conscience de ma réelle identité de genre à 23 ans. J’ai fait le calcul et il s’est passé 8400 jours (rires). Dans toutes mes chansons, il y a ce lien du temps qui passe, mais pas assez vite (L'usine) et cette image où je me demande quand mon père va pouvoir m’accepter comme je suis, est-ce qu’on arrivera à se dire je t’aime. Il y a un fil conducteur entre tous les titres.


© Julie Oona
© Julie Oona

L’EP s’ouvre avec L’usine, une chanson dans laquelle tu retraces huit années en tant qu’ouvrier, à arpenter les usines les unes après les autres. Que te reste-t-il de ses huit ans passés à l’usine ?

Elles ont été compliquées, mais je n’en garde que du positif. Ça m’a permis d’être encore plus déterminé dans ce que je fais aujourd’hui. Dans le milieu artistique, tout bouge en permanence et en tant qu’ouvrier, c’était pareil. On me demandait de changer d’entreprise, de métier, de rencontrer de nouvelles personnes, de m’adapter à de nouveaux environnements qui peuvent être stressants par moments, avec de la fatigue. Et puis, il y a le souvenir des gens rencontrés.


Ce titre, par son texte fort et précis, est aussi une manière de redonner une voix à ceux qu’on entend rarement…

Exactement. On a tendance à penser que certains métiers et certaines personnes valent moins bien que d’autres, et c’est complètement faux. Avec cette chanson, j’ai voulu dire que c’était un métier compliqué et non un métier de rêve. Toutes les personnes ayant un travail difficile méritent d’être écoutées, mises en avant, considérées. C’était important pour moi de trouver les mots justes et de proposer un texte qui parle d’eux de façon positive.



Ton projet parle de transitions, de passages. Comment s’est opérée, pour toi, cette bascule entre l’usine et la musique ? Quel a été le déclic ?

J’ai toujours voulu vivre de ma musique, en tout cas, j’en ai toujours fait. J’ai retrouvé des cassettes de moi, à deux ans, chantant Une souris verte (rires). J’ai fait mes premiers concerts au CP. Ce milieu artistique m’a toujours fait vibrer. Chanter était mon moyen d’exprimer ce que je ressentais, de me sentir pleinement moi. En 2018, j’ai remporté un tremplin parrainé par Gaëtan Roussel et c’est là où j’ai compris que j’avais une petite chance d’entrer dans ce milieu. Je ne connaissais personne, je venais de ma campagne nantaise (rires).


Tu ouvres une porte plus personnelle, presque fragile, avec Papa. Est-ce plus difficile de parler de la sphère familiale que du monde extérieur ?

Oui. C’est très difficile de parler de ses parents. Encore une fois, il me fallait trouver les mots justes. J’avais à cœur que les personnes écoutant cette chanson se rendent compte que mon père est formidable et qu’on s’aime. Je lui ai demandé de l’écouter avant qu’elle sorte et il n’a jamais voulu (rires). Il est un peu intimidé. Récemment, il était présent à l’un de mes concerts et je n’ai presque pas terminé la chanson tellement j’ai failli pleurer. Beaucoup de personnes se sont senties concernées par cette histoire, parce qu’elles vivaient des similitudes, et ça leur a donné l’espoir qu’ils puissent, eux aussi, connaître un happy end. Cette chanson peut autant aider les enfants que les parents. J’aimerais qu’ils l’écoutent, qu’ils puissent entendre le cri du cœur de leur enfant, se poser les bonnes questions et accepter les choses.


© Julie Oona
© Julie Oona

Avec Anxiété, tu parles de la vulnérabilité psychique, encore trop taboue. Ce titre exprime un combat silencieux, invisible, avec des mots qui ne masquent rien : ni la souffrance, ni la nécessité de demander de l’aide. À quel moment as-tu compris que ce que tu vivais n’était pas juste de la fatigue ou du stress passager ?

Je fais des crises d’angoisses depuis mes débuts au collège. Je crois être passé par toutes les crises d’angoisses qui existent (rires). Ça m’a beaucoup pesé. Comme la santé mentale est laissée de côté, on part du principe qu’on ne fait pas d’effort. C’est faux. On donne justement tout pour essayer d’aller mieux. Dernièrement, une neuro psy m’a diagnostiqué un trouble anxieux. Ça m’a beaucoup aidé de me dire que c’était une maladie et qu’une maladie, ça se soigne. Au début, on ne veut pas en parler, on n’accepte pas. Nous sommes nombreux à l’avoir, ce n’est pas une fatalité. Je n’ai pas honte de dire que je suis sous antidépresseur. J’essaie d’en parler au maximum ou en tout cas de ne pas avoir de réserve par rapport à ça. C’est aussi une façon de rendre le sujet normal.


Dans Euphorique, tu poses des mots sur une autre vérité, plus intime encore : celle du genre. Ce n’est pas seulement une chanson sur la joie, c’est un cri vibrant sur ce moment où tu te reconnais enfin dans ton propre reflet…

C’est tout à fait ça. Au-delà du genre, c’est ce côté euphorique qu’on peut tous ressentir au quotidien. Il y a des moments comme ça où l’on a l’impression d’être invincible. Ça soigne tous les autres moments où l’on est moins bien. C’est aussi « l’aboutissement » de tout ce que j’ai pu faire pour régler ce mal-être. Aujourd’hui, ce qui me rend le plus euphorique est quand on me dit « monsieur ». Le fait de ne plus se tromper sur mon genre et de pouvoir sortir dans la rue sans me dire que je vais être « démasqué » me fait du bien, tout comme d’être entouré de gens bienveillants.


Quelle présentation ferais-tu de Monstrueux ?

Ça parle des troubles du comportement alimentaire. J’aborde toujours des sujets très légers (rires). J’ai voulu écrire cette chanson pour rappeler aux autres et à moi qu’il n’est pas grave, parfois, de faire dix pas en arrière quand on essaie d’aller mieux. On avance, on recule, la vie est faite comme ça.


© Julie Oona
© Julie Oona

En début d’interview, tu me parlais de Gaëtan Roussel. Tu as fait ses premières parties ainsi que celles d’Hoshi et de Ben Mazué. Quel exercice est-ce pour toi ?

C’était assez flippant. Avec du recul, je me dis que je suis complètement fou d’avoir fait ça (rires). La première date avec Gaëtan Roussel était à Lyon, au Transbordeur, devant 2 000 personnes. Je n’étais jamais sorti de chez moi, je chantais devant une caméra et je n'avais jamais fait ça devant un réel public. Mais je me suis dit qu’il ne fallait pas louper cette chance. Je n’avais pas d’équipe à ce moment-là. J’y allais seul, en train, je prenais mes chambres d’hôtel et dans les loges, c’était horrible. J’étais avec mon stress et moi. Cette prise de risque était au final très cool, car les gens ont été super accueillants. Ça m’a beaucoup aidé pour la suite. Je me suis dit que plus jamais, je ne voulais faire autre chose de ma vie. Au fur et à mesure des dates, j’ai appris à m'améliorer scéniquement, à faire découvrir mes chansons et surtout, à kiffer.


En parlant de scène, as-tu une date de prévue prochainement ?

Oui. Je fais ma première date parisienne le 9 juillet au Pop Up du label.


Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?

Une personne très importante pour moi m’a dit : « Il n’y a pas de gens qui réussissent, il n’y a que des gens qui n’abandonnent pas. »

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© 2021 par Samuel Massilia.

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