Son cinéma ressemble à la vie et donne envie d’aimer plus et mieux. Devant ses films - dans la peau de réalisatrice ou de comédienne - nous nous sentons Tellement proches ensemble. Audrey Dana signe un troisième film merveilleux où le collectif prime et la nature panse nos plaies. Un retour aux sources avec une caméra organique et l’œil bienveillant d’une femme protectrice de l’environnement. La douceur de son âme et ses cris du cœur se mélangent pour faire d’Audrey un être à part entière, où chacun de ses mots et chacune de ses pensées nous relient à l’essentielle. Rencontre avec Audrey Dana, amoureuse du monde !
« Le 25 mai prochain sortira en salles votre nouveau film Hommes, au bord de la crise de nerfs. Audrey, quel a été le point de départ de votre troisième film ?
Je voulais faire une espèce de pendant à Sous les jupes des filles, mon premier film avec onze femmes. Je me suis rendu compte que le patriarcat pesait aussi sur les épaules des garçons. J’ai trouvé intéressant de porter un regard féminin sur les hommes pour les montrer comme on les connaît, à savoir sensible, fragile…
Avec votre co-scénariste Claire Barré, vous avez réalisé des centaines d’interviews d’hommes anonymes. Que vous ont-ils confiés ?
Tellement de choses si vous saviez ! Les 44 questions étaient extrêmement intimes : du plus gros complexe en passant par la pire chose faite, dite, le rapport à la sexualité, la fidélité. On leur a aussi demandé une phrase clé pour définir leurs parents. J’ai beaucoup d’hommes autour de moi et c’était important pour moi de les entendre.
Une phrase revenait souvent ?
Oui. À la question : qu’attendriez-vous d’un film qui parle des hommes ? Ils ont quasiment tous répondu : « qu’on montre que nous aussi on est fragile, que nous aussi on a peur. » Il y en a même un qui nous a dit : « Que nous aussi on est des femmes. » Vous noterez que tous les enjeux que traversent nos héros, toutes leurs thématiques, leurs problèmes, pourraient tout à fait être ceux d’une femme.
Ce film est un bol d’oxygène. J’y ai trouvé beaucoup de tendresse et de bienveillance. On s’attache à tous les personnages, quel casting !
C’est un fin mélange. Ce casting est improbable. Ils n’ont, à priori, rien à faire ensemble. J’avais envie d’une bonne ambiance sur le plateau, c’était le principal critère. Ils aiment leur métier et ont joué le jeu sans aucun cynisme. J’ai choisi des chouettes gars. J’ai fait pareil pour l’équipe technique, je ne voulais pas de personnes négatives.
La terre du Vercors est le terrain de jeu. Peut-on dire que la nature tient le rôle principal ?
La terre des loups est d’une beauté époustouflante. La nature vibre très fort et tient le rôle très principal. Elle va prendre soin d’eux et les remettre à l’endroit. Si on est au bord de la crise de nerfs, c’est parce qu’on est déconnecté de la nature. Des millions d’ancêtres ont passé leur temps dans les forêts. C’est dans nos gênes, qu’on s’en rende compte ou pas. Notre lien à l’urbain - additionné au travail - nous crée un état de burn-out.
C’est très apaisant de voir des images d’arbres, de rivières, vous filmez très bien la nature. Audrey, comment avez-vous rendu ce tournage écolo ?
Il y a plein de manières de faire du cinéma écolo. Ecoprod travaille beaucoup pour trouver les moyens de rendre le cinéma plus vert. J’ai proposé un jour complètement végétalien, tout le monde a accepté. On a fait marcher les producteurs de la région. À la table régie, il n’y avait aucun produit Monsanto remplis de sucres chimiques, c’était banni de la table.
Après, je vous le dis, il y a eu de la contrebande. J’ai commencé à voir des bouteilles de soda, ils ont essayé de me planquer ça et à un moment je l'ai découvert, ça m’a fait beaucoup rire. Tant que c’était acheté avec leur argent, ça allait. Mais l’argent qui me permet de produire un beau film ne devait pas servir à acheter des produits qui allaient leur coller des coups de barre, des maladies ou leur faire consommer des médicaments. Je suis fier de tous, ils ont vécu les épreuves, et pas quelques heures.
Est-ce que comme vos personnages l’urbanisme vous oppresse ?
J’ai de la chance. J’adore où je suis et j’adore Paris. Mais je ne fonctionne pas si je n’ai pas un endroit rempli de plantes d’extérieur. J’ai pris des appartements très beaux mais dans lesquels j’ai cru que j’allais mourir. On dit que les humains c’est comme les plantes. Il y a des plantes d’extérieur et d’intérieur. Moi, définitivement, je suis une plante d’extérieur.
Dans votre film, la nature est une forme de soin tout comme l’amour et le lâcher prise. Audrey, vous êtes une femme et artiste engagée pour l'écologie. Quel comportement adoptez-vous pour protéger la planète ?
Ça passe par tout ce que j’achète. L’idée étant d’acheter le plus propre avec des produits locaux, de saison et d’éviter le plus possible la viande. Ça passe aussi par les enseignes de vêtements qui polluent la terre. Quand on porte des vêtements, on transpire dedans. Notre peau est un organe qui laisse entrer 30% de ce qu’on ingère, de ce qui va nous composer. À chaque fois qu’on abîme la terre, on s'abîme soi-même. La nature nous nourrit, nous soigne. Sans elle, on ne tient pas. C’est le seul sujet important et c’est en train de bouger. Aujourd’hui, on peut être fourni en énergie propre pour l’électricité et l’eau chaude, même dans les grandes villes.
Je profite de cet échange pour vous parler de la pollution mentale, une pollution catastrophique pour notre santé dont on ne parle pas. Il y a aussi une écologie émotionnelle. À chaque fois qu’on nourrit des pensées de peur, on participe à l’agrandir. Ce n’est pas le chemin. La peur génère des maladies, baisse notre système immunitaire et nous met en mode survie. On gagnerait à être dans la visualisation des consciences qui s’éveillent. Il faut rêver le monde qu’on veut plutôt que de pointer le monde qu’on ne veut pas.
Audrey, dans le film cette phrase résonne fort : « Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ». Quel est votre prochain projet ?
J’ai écrit une comédie-romantique sur la mort. Il faut l’accepter et en parler plus librement. C’est l’histoire d’un homme persuadé qu’il va mourir avant cinquante ans, comme son père et son grand-père. Il va organiser ses funérailles avant sa mort et pour ça, il va débaucher une wedding planer parce qu’il trouve les conseillers funéraires un peu trop glauques. Tout le monde redoute la mort et du coup, on l’attire. Et si on faisait la paix avec le versant de la vie ? »
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