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Photo du rédacteurSamuel Massilia

Lou Labussière, la bonté d'une artiste !


Le cinéma lui a apporté ce que l'école n'a jamais su lui donner. Lou Labussière a une vision des sentiments tout sauf tiède, nourris par le cinéma. Lou parle de son jeune parcours et de ses envies avec une voix enjouée. Jeune femme engagée, Lou se bat contre toutes les injustices et son arme fatale est la fiction, pour faire passer des messages à travers l'histoire d'un personnage. C'est ça, aussi, le cinéma, un œil ouvert sur le monde. Et on souhaite à Lou d'accompagner nos vies de pellicules. Rencontre avec Lou Labussière, la bonté d'une artiste !


© Instant en suspens / Patrice

« Comment vis-tu cette période qui nous prive d'accès à la culture ?

Assez mal, comme beaucoup de gens je pense. Pour moi, aller au cinéma, au théâtre, à des expos et des concerts, ça faisait partie de mon quotidien. En tant qu’actrice, on se nourrit de tout ça. On est privé d’un contact, d’un échange avec les autres. J’ai essayé de prendre le positif, d’améliorer ma culture cinématographique. Pendant le confinement, je faisais un jour, un film. Je me suis fait une liste de films à voir, par réalisateur ou par acteur. J’ai revu tous les films de Sam Mendes, par exemple ou ceux avec Ryan Gosling. On m’a privé d’accès à la culture, mais moi, j’ai essayé de ne pas m’en priver.


Ce goût du jeu, du théâtre et du cinéma est un héritage culturel...

Dès la primaire, j’étais dans des ateliers d’expressions corporelles, des ateliers théâtres... J’ai fait beaucoup de danse aussi. Depuis toute petite, j’ai toujours aimé faire des spectacles quand il y avait des invités à la maison ou dans la cour de récréation, je faisais des chorées, des comédies musicales avec mes copines.


Mon papa était comédien. Il est décédé quand j’avais dix ans. Il faisait beaucoup de doublages et il changeait tout le temps sa voix dont celle pour Panoramix dans Astérix et Obélix mais aussi plein d'autres ! Il m’a toujours emmené au théâtre et j’ai vu ma première pièce à l’âge de trois ans. Ma mère était aussi comédienne et avec elle, je suis allée voir des spectacles pour enfants. À sept ans, j’avais dû voir trois fois le Roi Soleil (Rires).


© India Lange

Après le décès de ton papa, tu décides de continuer le théâtre.

Au début du collège, j'ai suivi des super cours de théâtre dans un centre d'animation et ensuite, pendant deux ans, j’allais une fois par semaine au Cours Simon à Paris, en parallèle du collège. Je n’ai jamais été scolaire, je ne me sentais bien que dans les cours de théâtre. Je me suis fait virer de mon collège et ensuite je suis allée deux ans en internat. Mais oui, j’ai toujours continué à faire du théâtre.


Pendant l’été, j’ai fait un stage chez Jean-Laurent Cochet, un grand metteur en scène, décédé d'ailleurs du COVID, paix à son âme.


J’avais quinze ans et ça m’a un peu dégoûté du théâtre. C’est un grand monsieur mais de l’ancienne école. Avec lui, les filles doivent porter des jupes en dessous des genoux et ne pas porter de pantalon.


J’arrive sur scène pour présenter mon texte, un monologue de Marivaux, et il m’a tout de suite arrêté : « Tu n’as rien à faire ici, les filles ça ne porte pas de pantalon. Quand tu sauras te présenter, tu reviendras ». Pendant une petite période, j’étais dégoûté et j’ai continué ma scolarité. Mais très vite, le théâtre m'a manqué. Après avoir redoublé ma terminale, je suis allée dans une école avec la spécialité théâtre et j’ai eu mon bac avec 18/20 dans ma spécialité.


Dans cette licence théâtre et cinéma que tu as fait à La Sorbonne Nouvelle, après ton bac, il y avait un côté très théorique...

Le fait d’avoir eu cet enseignement théorique à la fac, ça m’a vraiment appris à travailler mes personnages, à retrouver certains traits de caractère, aussi bien au 18ème siècle qu’aujourd’hui. Cette licence a été hyper bénéfique pour moi. La fac met en place des partenariats et pendant trois ans, j'allais une fois par semaine au théâtre pour 8 euros. C'était génial. En parallèle, je suivais un cours, une formation d'acting, le Studio Pygmalion. Je mettais mes cours de la fac le matin et l’après-midi j’allais me lâcher sur scène au Studio Pygmalion.


Il y a deux ans, tu as fait une apparition dans la série Family Business sur Netflix. Ça fait partie de tes premiers projets artistiques ?

Avant ça, j’ai fait quelques courts-métrages étudiants, des expériences qui m’ont beaucoup apporté mais que je n’ai pas forcément mis sur mes réseaux. Mon premier gros tournage, c’était Family Business. Un copain m’a envoyé un message sur Facebook avec l’annonce du casting et j’ai envoyé ma candidature. On m’a répondu par e-mail une date de casting et le jour J je n'avais pas du tout envie d'y aller.


Je m’en rappelle très bien, c’était une semaine où j’avais passé six castings, un par jour et sans aucune réponse. Le casting de Family Business était à l’autre bout de Paris, j’étais hyper en retard, j’y suis allée à moitié coiffé, les cheveux mouillés en sortant de la douche. Et ça s’est super bien passé, j’ai fait une petite impro et quelques jours après, à ma grande surprise, on m’a rappelé pour me dire que j’étais prise. Cette réponse m’a donné beaucoup de force et d'encouragement, une petite lumière en moi s'est ravivée.


J’avais une demi-journée de tournage, j’ai rencontré toute l’équipe et le réalisateur Igor Gotesman que j’ai toujours beaucoup admiré. Je m’étais super bien entendu avec son petit chien Bluma, qu’il lui a été volé il n'y a pas longtemps d'ailleurs et retrouvé, heureusement, grâce à la réactivité de tout le monde sur les réseaux ! Ce tournage m’a donné pas mal de visibilité mais surtout beaucoup de force et de courage pour continuer.


© Omar et Julie

Par quel moyen essaies-tu de coudre ton parcours artistique ?

Dès qu'il y a un casting, je postule. Après Family Business, j’ai joué dans une série étudiante qui s’appelle Apicula et qui est sur Youtube. J’ai tourné pendant un mois. En 2020, il n’y a pas eu grand-chose. Et cette année, j’ai tourné dans deux clips du rappeur Babs, que je connais d’un copain à moi. Les clips étaient super intéressants, j'ai rencontré une super équipe et je me suis grave amusée même s'il faisait un peu froid en Bretagne (Rires).


Je suis actuellement dans une prépa, l'Athanor, je passe les concours de théâtre nationaux, partout en France. J’étais à Marseille pour passer le concours de l’ERACM. On peut nous demander une scène avant 1950, une scène contemporaine, un parcours libre ou une scène dans une liste imposée. Que ce soit pour le concours de Lyon, Rennes, Montpellier ou Paris, je répète mes scènes avec ma coach Marion Trémontels qui est vraiment géniale. Plus je passe des concours, plus le stress diminue. Avant, j’avais cette boule au ventre toute la matinée, maintenant ça va beaucoup mieux, grâce à mon travail.


La danse t'a bien aidé dans ce rapport avec le corps ?

Depuis petite, j'aime passionnément la danse. J’ai commencé par la danse classique, comme tout le monde. Je me suis très vite tourné vers la danse contemporaine. Et en grandissant, j’ai eu envie d’explorer tous les styles : le hip-hop, la dance soul, le reggaeton et la danse africaine. Je n’arrivais pas à tout faire en même temps donc j’ai arrêté même si ça fait quelques années que je me dis qu’il faut vraiment que je reprenne la danse.


Quelles sont tes ambitions dans ce métier ?

Devenir comédienne, aussi bien au théâtre qu’au cinéma. J’ai envie de raconter une histoire, de la faire exister et de transmettre des messages. Depuis un moment, j’aime écrire. Au Studio Pygmalion, on avait des jeudis spectacles. Tous les mois, on faisait un spectacle autour d’un thème. Ça m’a beaucoup aidé, ce n’est pas facile d’écrire et parfois j’écris des petites choses qui peut-être, plus tard, vont servir. J’aimerais écrire mes propres rôles. Comme on dit, on est jamais mieux servis que par soi-même (Rires).


Quel est ton défaut qui pourrait être une qualité au cinéma ?

L’exigence. C’est un défaut d’être trop exigeant avec soi-même. Au théâtre ou au cinéma, c’est une qualité. On essaie toujours de se surpasser. Parfois, ça peut faire peur de se voir dans une colère ou une souffrance. Tout au long de mon apprentissage, j'ai beaucoup appris sur le lâcher-prise.


Sur le grand écran, qu'est-ce qui te plaît le plus ?

Au cinéma, je découvre à chaque fois tellement de choses. Je vais te donner un exemple. Cette année, j’ai vu Blue Diamond avec Leonardo DiCaprio. J'avoue qu'avant de voir ce film, je n'étais pas informée sur ce qui s'était passé à propos des diamants. Et de toutes ces guerres entre les populations.


J’aime découvrir des faits historiques. Et aussi, c'est sur un grand écran que j’arrive à voir l’intensité d’un acteur. On va aussi au cinéma pour rire, avoir une émotion. J'aime un film quand je suis touchée par un acteur qui raconte l’histoire d’un personnage.


© Vincent Tropion

Tu aimes les films qui transmettent un message, une réflexion sur le monde qui nous entoure. Quel regard portes-tu sur les artistes qui s'expriment ouvertement sur des sujets de sociétés, comme à la dernière cérémonie des César ?

Ce qu'a fait Corinne Masiero, j'ai trouvé ça super fort. Contrairement à beaucoup de personnes, j'ai mis son passage en story avec un message de soutien : « Force à Corinne, je te soutiens. Bravo d'exprimer tout ce que les artistes ressentent ».


Après ça, j'ai reçu plein de messages : « Moi, je trouve ça dégueulasse, elle a sali la cérémonie. On n’a pas envie de la voir à poil ». Plusieurs ont répondu qu'ils n'étaient pas là pour voir ça mais pour voir un hommage au cinéma. J'ai lu beaucoup de critique.


Si ça avait été une comédienne avec un physique très avantageux, il n’y aurait pas eu cette polémique. C’est ce que dit Corinne, j’ai écouté toutes ses interviews : « J’ai les seins qui tombent et si ça choque, le corps de la femme est aussi comme ça ». Il n’y a pas de date de péremption, il faut arrêter avec ça.


Je continue à soutenir cette actrice. Son film Les Invisibles m’a donné envie d'aider les autres comme de faire des maraudes. Ça a été une ancienne SDF et c’est ce genre d’actrice que j’ai envie de défendre.


En dehors des caméras, tu es une femme engagée. Sur tes réseaux sociaux, tu partages très souvent des messages sur le mouvement de collages de féminicides en France. Que peux-tu me dire sur ton engagement ?

Depuis MeToo, mais aussi avant, j’essaie de m’informer sur tous ses mouvements féministes. Je suis engagée dans la lutte du droit des femmes, depuis toujours, du fait des valeurs que ma mère m'a transmis. Cet été, sur la plage de l’île Rousse, j’ai vu sur un mur un énorme collage « On pense à toi Julie Douib », une femme tuée par son conjoint, en 2019, alors qu'elle avait déjà porté plainte plusieurs fois, mais classée sans suite. Plus je parcourais la Corse, plus j’en voyais sur les routes. Je me suis donc renseignée sur ces mots poignants écrits à l'encre noire, qui restent gravés dans ma mémoire.


Ça m’a particulièrement interpellée, je me suis renseignée et j'ai compris ce but qui est la libération de la parole. Je les ai pris en photos et j'ai vraiment voulu faire un post pour expliquer tous ces engagements. Mais surtout, ça m'a donné l'envie d'aller coller avec elles.


Iwas est un mouvement féministe né sur les réseaux. En Corse, ce mouvement a provoqué une manifestation à Ajaccio. Toutes les femmes avaient des pancartes « J’ai été violée », « J’ai été abusée », « J’ai été harcelée ». Elles ont témoigné des agressions sexuelles et psychologiques. La parole de la femme a été libérée en Corse.


À chaque fois que j’en vois à Paris, je les partage. Je vais bientôt aller en coller avec des phrases clés et des mots poignants qui attirent l’esprit. Si une femme voit « On te croit », « Tu n’es pas seule », elle va être incitée, encouragée à s'exprimer, à faire la démarche d’aller porter plainte contre son violeur ou son agresseur. C’est très important de se servir des réseaux sociaux pour partager ces collages, cette expression. Et ça peut aussi participer à aider à libérer la parole.


Lutter contre les violences faites aux femmes, organiser des maraudes pour les plus démunis, défendre les animaux abandonnés, tu as envie d'apporter ta pierre à l'édifice pour rendre le monde meilleur ?

Ça va faire 20 ans que ma maman est éducatrice de jeunes enfants dans un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violence conjugale. C’est un des rares centres en France qui a un espace dédié enfant. Les mères et leurs enfants sont hébergés dans ce centre pour être mis en sécurité.


Ma mère et l'équipe accueillent ces familles qui ont subi de graves traumatismes dus à la violence. Elle m’a donné cet intérêt pour la justice et le respect. Je la vois se lever tous les jours pour les soutenir et les aider à se reconstruire. J’ai pris conscience de l’injustice qu’il peut y avoir dans le monde. Il faut se battre tous les jours pour contrer ça.


Tu attaches aussi une grande importance à la cause animale...

Depuis toute petite, j’ai dit une phrase à ma mère, et elle l’a notée : « Plus tard, j’aurai une grande maison avec tous les animaux abandonnés dans le monde ». J’ai cette proximité avec les animaux. Dès que je vois un animal, je me sens bien, je me sens heureuse. Petit à petit, quand on grandit, on découvre le monde et ses horreurs.


En ce moment, je suis en contact avec l’association Action Protection Animale. Ils font des sauvetages d’animaux maltraités. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut faire ça. J’arrête carrément de manger de la viande même si j’adore ça.


Quels sont tes futurs projets ?

Deux, trois choses vont sortir très bientôt. Ce sera la surprise (Rires).


Une citation fétiche à me délivrer ?

L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. Nelson Mandela.


Pour conclure, quelles sont les personnes qui t'inspirent le plus dans ton quotidien ?

Mon papa qui est parti. Il m’a énormément inspiré et transmis. Et ma maman, je vis avec elle et elle m’inspire tous les jours. »

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