Maurice Barthélémy : "Pour moi, il y aura un avant et après Ecoprod."
- Samuel Massilia
- il y a 2 jours
- 4 min de lecture
À l’heure où les enjeux écologiques bousculent les pratiques du secteur audiovisuel, Maurice Barthélemy ne se contente pas d’observer le mouvement — il y prend part, avec une curiosité sincère et une volonté affirmée d’évolution. Au festival de Cannes, à l'occasion de la remise du prix Ecoprod dont il a été jury, Maurice Barthélémy cherche à faire dialoguer art et écologie. L’expérience a semé une graine. Connu pour sa verve comique et son humanité derrière la caméra, il se mue aujourd’hui en acteur d’un changement concret, décidé à s’impliquer davantage dans la fabrication de ses films. Parce qu’en 2025, raconter des histoires ne suffit plus : il faut aussi réfléchir à la manière dont on les fabrique. Rencontre.

« Maurice, vous êtes présent au festival de Cannes à l’occasion de la 4ᵉ édition du prix Ecoprod. En quoi cette initiative résonne-t-elle avec votre parcours ou vos engagements personnels ?
Je suis plutôt un citoyen concerné, ça me paraissait donc assez logique, quand on me l’a proposé, d’être dans le jury Ecoprod. D’une part, parce que tout ce qui est un mystère pour moi m’intéresse. Ça m’a permis de me responsabiliser en comprenant mieux ce principe de label Ecoprod et comment on décerne ce prix à des films. J’ai compris qu’on pouvait faire les films d’une autre façon, qu’il y a un schéma de pensée à modifier. C’est aussi parfois moins cher de fabriquer de cette manière.
Quels étaient les critères à prendre en compte pour décerner ce prix ?
Il y avait des barèmes. Nous n’étions pas dans une salle à voir des films. On était dans les dossiers de production de chaque projet pour voir leur niveau de dépense carbone, dans tous les secteurs, et où est-ce qu’il y a eu des efforts et des innovations trouvées. C’était très technique comme jury et assez studieux.

Pour vous, comment peut-on trouver le juste équilibre entre la création artistique et une responsabilité écologique ?
La priorité, c’est d’abord l’artistique, le projet du réalisateur, des scénaristes. Ensuite, il faut voir comment la production peut produire cette idée de façon éco-responsable.
Jusqu'à présent, avez-vous participé à des tournages "verts" ?
Pas tellement, pour être franc avec vous. Il y a eu des préoccupations à la régie sur les déplacements, mais ce n’était pas très présent. Maintenant, en toute sincérité, il y aura pour moi un avant et un après Ecoprod. Je vais davantage m’impliquer dans le processus de production, en étant plus présent dans les réunions et en demandant à avoir un bilan des efforts fournis pour pouvoir réduire l’empreinte carbone du tournage. Si je peux avoir mon mot à dire, je le ferais.
Quel lien entretenez-vous avec le festival de Cannes ? Avez-vous des souvenirs précis ?
Oui. J’ai des souvenirs de l’époque Canal où l’on venait très souvent avec les Robins. On a beaucoup fait la fête sur la plage, au temps de Nulle part ailleurs où c’était un peu le show. On nous logeait au Pierre et Vacances parce qu’il ne fallait pas nous mettre au Martinez car nous étions trop mauvais élèves. C’était très joyeux. Du matin au soir tard, les journées n’en finissaient pas, on rencontrait énormément de gens. On était pris dans une sorte de mouvement complètement fou. On commençait les premiers jours calmement, puis c’était l’apothéose en milieu de séjour, avant d’atterrir petit à petit sur la fin. Le festival était plus spontané dans les années 2000/2010. Aujourd’hui, c’est devenu très sécurisé, il faut des pass et des autorisations de partout. Ça enlève un peu de spontanéité mais je dirais que c’est inhérent au succès de ce festival devenu majeur.

De votre côté, vous lancerez votre propre festival, le FESTIFF, du 9 au 11 octobre à L'Isle-sur-la-Sorgue...
Tout à fait. Le but sera de promouvoir tous les films qui font du bien, qu’ils soient de plateforme ou de cinéma, ainsi que toutes les cultures festives comme la cuisine, la littérature, la musique, le sport, le stand-up avec un jury composé de cinq personnes pluridisciplinaires. L’événement aura lieu dans le nouveau cinéma créé dans le centre-ville, avec des kiosques un peu rigolos partout autour. Pierre Lescure sera notre parrain.
Comment le cinéma est entré dans votre vie ?
Petit, j’avais vu L’homme invisible et les visages bandés, ce n’était vraiment pas mon truc ! À l’époque, mon père était arrivé à la maison avec des bobines de films et nous l’avait projeté dans le salon. Ça m’avait totalement terrorisé. Mais depuis, le cinéma est devenu une passion, que je ne m’accordais pas quand j’étais gamin. Je me disais qu’il était inaccessible d’être réalisateur, alors j’ai pris un chemin plus « facile », celui de devenir comédien. Et puis, une fois que j’ai pris le goût à la réalisation, je me suis donné à fond là-dedans.
Quels sont vos prochains projets ?
Je devrais tourner mon prochain film, Une seconde chance, avec Isabelle Nanty et Bernard Campan, au printemps prochain. C’est l’histoire d’un homme très dur, un agriculteur un peu raciste, proche de la retraite. Un soir, il va surprendre sa fille dans la grange avec le commis arabe. Il va péter un câble, s’engueuler avec sa fille qui va décider de quitter la maison. Le lendemain, sur sa moissonneuse batteuse, très préoccupé, il va faire un AVC. À son réveil, trois jours plus tard, il ne parlera plus qu’arabe. Il va se retrouver rejeté par son propre clan et va vivre, de l’intérieur, le racisme. Puis, il va tomber sur un secret de famille et comprendre d’où vient cette langue. Ce sera une comédie dramatique mélangeant plusieurs tons.
Pour conclure cet entretien, auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?
J’aime bien cette phrase de Borges : « Il y a deux personnes en moi et celle que je préfère, c’est l’autre. Ça me caractérise pas mal. »
Comments