Il a l'esprit de groupe et des idées plein la tête. Mourad Boudaoud aime les histoires et veut en raconter. Partenaire de jeu idéal, Mourad revient sur son parcours artistique, la naissance d'une vocation et la nécessité de travailler pour avancer. Un certain exemple à suivre pour les talents de demain, en s'inspirant d'un acteur aussi à l'aise au cinéma, à la télévision et au théâtre. Rencontre.
« Mourad, on te retrouve dès mercredi prochain dans le nouveau film de Michel Gondry Le livre des solutions. Quelle présentation ferais-tu de Carlos, ton personnage ?
Il est touchant et rempli de drôlerie avec un côté assez burlesque, de l’ordre du Chaplin ou The Party avec Peter Sellers. C’est un personnage toujours en opposition par rapport à Marc (Pierre Niney).
Quelle a été ta première impression à la lecture du scénario ?
Un challenge. J’étais heureux d’avoir le manuscrit et de participer à ce merveilleux casting, en plus d’être dirigé par Michel Gondry. C’est un rêve. J’ai ressenti de l’excitation, de la peur aussi, forcément. Est-ce que je serai à la hauteur ou pas ? Et puis le travail prend le pas sur toutes ces questions existentielles.
Qu’est-ce qui te plaît dans l’univers de Michel Gondry ?
Tout ! Michel Gondry, c’est la créativité poussée à son paroxysme, une liberté et une imagination débordante. On ne le présente plus, de par ses films, ses clips, ses pubs et son univers impressionnant. Il y a aussi un côté sincère et parfois naïf, mais dans le bon sens du terme. Je ne suis pas le seul à avoir rêvé de travailler avec lui.
Sur le tournage, quel réalisateur as-tu rencontré ?
Au début, je me suis laissé porter. Chez Michel, il y a une manière artisanale dans la création d’un film. Il nous embarque tous ensemble et on essaie de créer à travers son imagination. C’est comme si on redevenait des enfants et qu’on jouait pour lui. Au fur et mesure des séquences, il nous donnait des indications et nous laissait une grande liberté dans l’incarnation de nos personnages. Voir qu’une scène marche dans les yeux de Michel Gondry, c’est un honneur.
Récemment, tu as été à l'affiche du court-métrage Boussa d'Azedine Kasri-Belaid avec Anaïs Lazizi. Qu'est-ce qui te plaît dans le format court ?
On a beaucoup de liberté. C’est aussi un moment où tu peux rencontrer un jeune auteur. L’incertitude et la recherche dans le travail, ça me plaît. En France, on a la chance d’avoir un bon système de financement autour du court-métrage, avec les subventions, l’aide des régions et du CNC. On pousse à créer ce genre de format dans l’optique d’arriver au long. C’est un bon exercice pour se tester et expérimenter.
Le grand public te connaît pour avoir été le lieutenant Borel dans la série Caïn. Porter un personnage sur la durée, ça a été quelle expérience pour toi ?
C’est assez agréable, j’ai eu le temps de le développer sur plusieurs années. J’ai quasiment appris mon métier avec ce personnage, même si j’ai travaillé en parallèle pour le théâtre et le cinéma. Cette série a été formatrice, l’équipe était comme une famille, en plus on a tourné à Marseille, une ville dont je suis tombé amoureux. Quand ça s’est terminé, il y a forcément eu un petit pincement au cœur en le quittant. Après, c’est aussi mon métier de passer d’un projet à un autre. Ça a été neuf ans de ma vie, ce n’est pas rien.
D’où vient ton goût du jeu ?
J’ai fait partie de deux associations aux Courtillières, un quartier à Pantin. La première, le GITHEC, une compagnie de théâtre dirigée par Guy Benisty et dont je fais encore partie. La deuxième, c’est Les Engraineurs où l’on travaille sur l’éducation à l’image avec des ateliers de courts-métrages, l’association a été créée par Julien Sicard et mon ancien prof de français Boris Seguin. Je ne me suis jamais dit que je vivrais un jour de ce métier, même si le cinéma fait rêver. C’est en terminale, au moment où il fallait faire un choix, que j’ai discuté avec la documentaliste de mon lycée. Elle m’a dit : « Si c’est ce que t’aimes vraiment, pourquoi tu ne le ferais pas ? » Et puis en parlant avec Guy et Julien, je me suis lancé en faisant une fac de Lettres modernes et à côté, un Conservatoire à Bobigny.
Quelle place occupait le cinéma à la maison ?
Je suis né dans les années 90, donc je suis un enfant de la télé et du cinéma. J’avais les cassettes VHS de Jurassic Park, The Mask, Les Goonies, ça allait jusqu’au film avec Jean-Claude Van Damme, Bruce Lee, Sylvester Stallone et ceux avec Al Pacino et De Niro. On s’amusait avec mes sœurs à donner des répliques de films. Quand j’ai commencé avec les associations, ma première envie était de donner de l’émotion aux autres et à moi aussi par la même occasion.
Au théâtre, tu as joué dans les pièces Mon nom est James Dean, Hamlet ou encore Le songe d’une nuit d’été. Quelle sensation ressens-tu sur scène ?
Le temps s’arrête et tous les yeux sont braqués sur toi. Il y a une peur immense juste avant d’entrer sur scène. Mon cœur bat la chamade et je me demande pourquoi je m'inflige ça (rires). Mais une fois sur les planches, le moment est unique, tu es maître du temps, du texte et de l’interprétation, c’est jouissif ! Quand tu joues devant un public, il y a une part de technicité à avoir, dans la voix par exemple. C’est un jeu plus appuyé qu’au cinéma où il faut laisser la caméra capter nos émotions intérieures, à la limite du non-jeu.
As-tu le souvenir d’un conseil reçu, d’une leçon retenue ?
Guy, le directeur du GITHEC, disait qu’être comédien c’est écouter. Je ne comprenais pas au début, mais en effet, le texte n’est qu'un prétexte, il n’y a pas que le dialogue a joué. Nous sommes en train de se parler, je t’écoute, tu m’écoutes, un lien d’entente se passe entre nous et c’est cette situation-là qu’il faut retranscrire dans le jeu. Il faut rester dans le moment présent et ne pas feindre l’écoute, et c’est ce qu’il y a, pour moi, de plus difficile dans ce métier.
On va parler d’écriture. Tu as coécrit deux courts-métrages : Molii et Fais croquer avec Carine May, Yassine Qnia et Hakim Zouhani.
C’est une envie primaire, comme celle de jouer. J’ai grandi à travers les histoires que me racontait ma mère, il y avait une culture orale. Ces deux courts-métrages ont été deux aventures importantes pour moi, amicales aussi. C’est magnifique de voir une histoire que tu as imaginée prendre forme avec les comédiens sur le plateau, c’est un sentiment extraordinaire.
Quels sont tes prochains projets ?
J’ai coécrit un court-métrage avec ma sœur Nadia, Tout l’or du monde avec Steve Tientcheu dans le rôle principal. On est en pleine pré production, le casting est terminé et le tournage démarre le 13 septembre. Pour te pitcher l’histoire, c’est Manu, 40 ans, sa copine ne sait pas qu’il vit chez sa mère et elle ne sait pas qu’il a une copine. Un soir, alors qu’elle devait aller chez une tante, la mère de Manu est chez elle, et lui à inviter sa copine à venir. De là vont naître des quiproquos. Ça questionne la masculinité, le rapport à la mère et à la femme, j’ai hâte de voir comment ça va évoluer.
Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?
Oui, elle vient du personnage Gol D. Roger dans le manga One Piece : « La passion et les rêves sont comme le temps, rien ne peut les arrêter et il en sera ainsi tant qu’il y aura des hommes et des femmes prêts à donner un sens au mot liberté. »
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