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Photo du rédacteurSamuel Massilia

Narcisse Mame, un si joli métier !

Investi à 600% sur ses projets, Narcisse Mame est un acteur qui ne fait rien à moitié. Derrière ce charisme qui bouffe la caméra se cache un artiste proche du peuple et des plus démunis. S'il ne cesse jamais de se demander pourquoi, Narcisse ne sait pas faire semblant. Sa véracité crève l'écran et nul doute qu'il n'a pas fini de tutoyer les sommets. Rencontre avec Narcisse Mame, un si joli métier !


© Carlotta Forsberg

« On te retrouve demain soir pour les deux derniers épisodes de la série Je te promets sur TF1. Le concept est universel : la famille. Est-ce que jouer dans cette série était un défi, sachant qu’elle était très attendue par la profession ?

C’était un défi personnel. On connaît le carton qu’il y a eu aux Etats-Unis avec This Is Us. Avant de m’engager, j’ai eu pas mal de questions et de doutes, mais les productrices et les réalisateurs m'ont rassuré par rapport à l’adaptation. J’ai lu le scénario de l’épisode 1, j’étais complètement conquis et j’ai donné mon accord. Une adaptation, c’est quitte ou double. Les scénaristes et les auteurs ont fait un travail juste génial, ils ont su incorporer la culture française dans cette série.


À ce sujet, si tu ne devais garder qu’un seul bon souvenir de ces 40 dernières années en France, ce serait lequel ?

La première Coupe du Monde de l’équipe de France en 98. Elle arrive à un moment où la société est en pleine implosion avec des personnes qui cherchent à diviser. La victoire de ce collectif Black Blanc Beur a été synonyme d’une union exceptionnelle. Tout le monde était dans la rue, peu importe la classe sociale et les origines, la France ne faisait qu'un.


La chanson française accompagne la série, d’épisode en épisode : Véronique Sanson, Jean-Jacques Goldman, Alain Souchon. Est-ce que la musique peut t’aider dans la préparation d’un rôle ?

Bien sûr. Je suis très perfectionniste et pointilleux quand je m’engage donc je me plonge dans l’univers du personnage que j’incarne : ce qu’il écoute, ses bouquins favoris, ses vêtements, son background. La musique est une partie intégrante de la construction de mes personnages.


Je suis très compliqué pour me projeter sur les projets. Mais quand j’accepte, je ne suis pas là pour faire semblant. Je m’investis sur tous les compartiments. Pour le personnage de Mathis, je me suis investi avec tous les chefs des départements : coiffure, costumes, maquillage. Une fois devant la caméra, on donne tout ce qu’on a. Le travail effectué en amont surgit de lui-même.


Au départ, il faut faire un petit peu tout et n’importe quoi, sans être péjoratif, pour faire partie du panel. Un artiste a une voix qui porte. Mon métier à moi, c’est de transmettre des émotions aux autres, que ce soit de la tristesse, de l’amour ou de la haine. Je ne sais pas faire semblant, je ne pourrai pas prendre un rôle juste pour faire plaisir ou prendre de l'argent.


© Carlotta Forsberg

Il y a des rôles que tu t’interdis ?

Oui, le voyou de cité par exemple. Je ne vais plus vers ce genre de rôle. J’ai prouvé que j’étais capable de le faire mais maintenant, ce qui me plaît, c’est d’aller sur des terrains où on ne m’attend pas. J’ai joué un prêtre en Italie alors que je ne parlais pas un mot d’italien, j’ai fait quinze allers-retours à Rome avec une coach italienne. Pour Mathis dans Je te promets, mon agent a été vachement surpris de ma prestation. Ce sont des compliments qui me font plaisir, ça prouve que mon engagement et ma détermination paient.


Alors que ma carrière avait très bien commencé, j’ai refusé des premiers rôles qui ne me parlaient pas. Je suis reparti dans la vie civile, j’étais chauffeur Uber pendant un petit moment, il fallait que je rentre de l’argent et je n’étais pas prêt à faire n’importe quel rôle pour en avoir. Dans la vie, je suis quelqu’un d’entier, si ça ne me plaît pas, je retrousse mes manches et je vais travailler dans la vie civile. Je n’ai aucun complexe par rapport à ça. Les gens me reconnaissaient, ils ne comprenaient pas, mais j’étais en phase avec moi-même. Quand il y a eu de bonnes opportunités, je suis retourné bosser au cinéma.


Tu as tourné en Italie et aux Etats-Unis, qu’apportent en plus ces expériences à ton jeu d’acteur ?

Pour moi, la base d’un artiste de manière générale c’est la curiosité. Il faut aller de partout. On ne sait pas d’où peut venir l’inspiration. Plus jeune, j’étais inspiré par le cinéma afro-américain, je m’identifiais à des personnages comme Eddy Murphy ou Denzel Washington. Une fois que j’ai commencé à travailler de manière plus concrète dans l’industrie du cinéma, je me suis intéressé au grand cinéaste français (Verneuil, Godard, Chabrol), on avait des acteurs exceptionnels comme Lino Ventura, Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo. Le cinéma italien aussi avec Fellini, Antonioni. Le cinéma coréen avec Parasite et puis le cinéma africain qui prend sa place. Je suis friand de tout ça. Ça m’apporte une autre vision.


Au-delà d’être un très bon acteur, tu es un homme avec de belles valeurs humaines. J’aimerais que tu me parles de l'association Têtes grêlées...

Ça me tient énormément à cœur. Je suis issue d’une famille modeste, mes parents viennent d’Afrique et j’ai grandi en banlieue parisienne. Je sais d’où je viens. En grandissant, je me suis rendu compte qu’avec très peu de moyens, mes parents ont réussi à me faire croire qu’on ne manquait de rien. Ils se sont sacrifiés pour leurs enfants.


© Carlotta Forsberg

À mon tour, je ne peux pas me permettre d’avoir une exposition aussi grande et ne rien faire. J’ai décidé d’être le parrain de cette association qui vient en aide à des gens en grande précarité. Pendant le covid, il y a eu des distributions de repas pour des personnes isolées, des sans-abri et plus récemment pour les étudiants. Voir qu’il y a des étudiants qui vont au Restos du Cœur parce que le gouvernement les délaisse, ça me révolte. Et plutôt que d’attendre du changement, je préfère mettre la main à la pâte.


J’ai eu un décès dans ma famille, c’est pour ça que je suis en Afrique en ce moment. Avec cette association, on construit des puits. On a été en manque d’effectifs et comme je ne suis pas un parrain que par le nom, je me suis retroussé les manches et j’y suis allé pour donner un coup de main physique. Je ne suis pas du tout dans le monde du showbiz. J’adore être devant la caméra, mais une fois que j’ai fini ça, je ne suis pas dans les soirées mondaines, ça ne m’intéresse pas. Je préfère utiliser mon temps pour faire des choses qui me nourrissent et me font grandir.


Tu as un diplôme de scénaristes, on peut avoir l'espoir de voir ton premier long-métrage dans quelques années ?

À moyen terme, ça s’est sûr. Je suis très respectueux du métier de metteur en scène, je ne le prends pas à la légère. J’ai la possibilité de le faire, des boîtes de prod m’ont proposé de monter une histoire et j’en ai puisque j’écris avec des co-scénaristes. Je vais prendre le temps de me former sérieusement. Un metteur en scène a une vision particulière. Quand on regarde un film de Woody Allen, de Spike Lee ou de Scorsese, chacun à son identité. Il y a un univers à développer. Avec le temps, ça va venir.


Une citation fétiche à me délivrer ?

« Ne cesse jamais de te demander pourquoi ». C’est une question sans fin. Je me la répète depuis tout petit, elle m’a permis d’accomplir et comprendre pas mal de choses dans la vie. »

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