Des mardis soir à l'Accordeon Club du Havre à la troupe des Enfoirés, Philippine Lavrey accompagne sa vie en notes musicales. Les huit titres de son premier EP, singulier, invitent à accepter nos complexes en faisant un détour par les marchés nocturnes du sud de la France, sans oublier qu'il est possible de se dire au revoir tout en s'aimant. « Où il y a de la musique, je suis. » Alors, venez, ouvrez vos yeux et vos oreilles et laissez-vous envoler avec la voix à part de Philippine, où le grain folk se marie au velours pop. Rencontre.

« Philippine, quelle a été l'étincelle de départ de ton premier EP 8 disponible à l'écoute sur les plateformes de streaming ?
On voulait, mon équipe et moi, avoir un support qui nous permettrait d’offrir aux gens un peu plus de matières pour me connaître. La tournée commence ce mois-ci et ça me tenait à cœur depuis longtemps d’avoir un univers ancré en un seul objet.
L’EP s’ouvre avec deux jolis titres : Tomber en amour et Libre à deux. Comment les présenterais-tu ?
Ils ont presque huit ans d’écart (rires). Tomber en amour est le plus ancien et Libre à deux le plus récent. Dans Libre à deux, j’ai eu envie de représenter tous les amoureux et tous les types d’amours, qu’on soit homosexuel, en relation libre, asexué ou polyamoureux. Il n’y a aucune version du bonheur, aucune vérité dans l’amour, il y a juste autant d’amour qu’il y a de gens sur Terre. C’est-à-dire infini. Et en même temps, cette chanson peut être interprétée de manière plus fraternelle.
Dans Profil Droit, tu chantes avoir rendez-vous avec l’acceptation de soi. Qu’en est-il ressorti ?
À chaque fin de concert, en prenant des photos, les gens souriaient et me disaient : « Du coup, quel profil ? » Et je répondais toujours le « profil droit ». C’était prendre à la légère les réflexions sur mon nez qui, pourtant, me prenaient la tête jusque-là. Ce titre m’a permis de dédramatiser. Oui, il est au milieu de mon visage, mais c’est ce qui fait ma personnalité, le son de ma voix, que l’on me reconnaît. Il y a quand même beaucoup plus grave que d’avoir une petite bosse sur le nez. C’est aussi un moyen de soulager toutes les personnes qui l’écoutent et qui ont des complexes. Beaucoup de femmes et d’hommes sont venus me voir en me disant que cette chanson les avait aidés.
Méditerranée est un hymne au sud de la France et au marché nocturne, dont celui de Saint-Raphaël…
Ce sont mes premiers souvenirs de gamine. J’ai eu une enfance tout à fait heureuse, j’ai grandi avec mon frère, ma sœur et des parents qui ont toujours fait de leur mieux, malgré le manque d'argent parfois, pour nous emmener en vacances, ce qui a toujours été leur priorité. Et je ne les remercierais jamais assez de nous avoir privés de friandises le reste de l’année pour avoir ses souvenirs (rires). Il y a tout dans cette chanson : les petits barbecues et le fait de partir en voiture pendant douze heures, en famille, dans une petite voiture, pour voir la mer alors qu’on l’a aussi chez nous, au Havre. La Méditerranée, c’est toujours une petite madeleine pour moi.
Parmi les huit morceaux de l’EP, il y a ce duo qui n’a échappé à personne l’année dernière, avec Benson Boone. Qu’est-ce qu'In the Stars a changé pour toi ?
Tout ! (rires). Benson est plein de vie, d’énergie, c’est une super belle rencontre humaine avec ses équipes et lui. Je n’aurais jamais pu faire les NRJ Music Awards et tous ses plateaux radio pendant un an et demi. Ce qui m’a le plus touchée, c’est de voir toutes les personnes qui ont fait leur deuil avec cette chanson. J’ai reçu des messages très intimes où l’on me partageait la disparition de proches. Cet impact m’a donné encore plus envie de parler de moi avec des sujets forts et sensibles. Avec In the Stars, on se rend compte que la musique ne s’envole pas que dans les airs, ça va aussi parfois droit dans le cœur.
L’EP se conclut avec Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion. Pourquoi cette reprise ?
J’ai animé beaucoup de soirées privées (encore aujourd’hui) où je chante plein de chansons que les gens adorent. Cette cover est un peu plus dansante et rythmée. J’ai commencé à la faire sur les premières parties de Matt Pokora, en plus de mes compositions. Ce titre fait l’unanimité. J’hésitais avec Ella, elle l’a de France Gall. Je voulais un moment où le public se lâche et ne regarde plus le voisin comme un inconnu, mais comme une personne avec laquelle il va chanter pendant trois minutes. On me réclame cette reprise à chaque fois que je monte sur scène ou que je fais des lives sur Instagram. Et c'est à chaque fois un moment de pur bonheur.

Philippine, tu t’es produite dans des cafés-concerts à ton arrivée à Paris. Quelles images te reviennent de ces premiers pas dans la capitale ?
C’était la grande aventure. J’avais fait The Voice en 2016 et j’étais un peu seule musicalement. À Paris, j’ai trouvé plein de gens qui me ressemblaient, beaucoup plus que chez moi, au Havre. J’ai rencontré des musiciens, des pianistes, des batteurs, des saxophonistes, j’ai participé à des jam sessions, je m’éclatais la voix où je pouvais le faire. Cet open mic à l’Orphée a changé ma vie, ça a été ma plus grande école, par laquelle pas mal d’artistes passent d’ailleurs. Pendant huit ans, j’ai grandi sans m’en rendre compte.
Jusqu'à intégrer la troupe des Enfoirés cette année...
Je me revois à 22 ans débarquer aux Enfoirés et déjà me sentir hyper chanceuse et contente d’être là. En sept ans, de belles amitiés se sont créées. Je suis extrêmement fière d’être une Enfoirée. Quand, à la fin du show, on invite une bonne quarantaine de bénévoles à venir chanter sur scène avec nous, ça n’a pas de prix. Ils n’ont pas l’habitude d’être sous le feu des projecteurs et de voir des milliers de personnes devant eux. Ils se battent toute l’année, en plus de leur vie perso, pour les autres. Donc voir leurs yeux s’écarquiller nous ramène, en tant qu’artiste, à la vraie vie. Pour nous, c’est devenu normal, alors que ça ne l’est pas.
Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?
« On met dix ans à devenir connu du jour au lendemain. » Elle m’avait fait rire il y a longtemps et elle prend beaucoup de sens aujourd’hui, même si je pense que la célébrité n’est pas le but. Cette citation souligne les années de travail, qu’il faut continuer à persévérer, à croire en ses rêves et en la vie, qui est souvent bien faite. »
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