Sonal Sehgal : "L'Inde est une expérience sensorielle."
- Samuel Massilia

- il y a 1 jour
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Son écriture, façonnée par l'introspection et nourrie d'expériences personnelles, puise sa force dans la sincérité. Chez Sonal Sehgal, l'art naît d'un regard lucide sur le monde et d'un besoin viscéral de raconter. Dans The Great Departure, elle incarne cette tension avec une justesse qui parle à toutes les cultures. Et dans un monde où les récits féminins cherchent encore leur pleine légitimité, Sonal avance avec conviction, prouvant qu'être une femme de cinéma, c'est aussi être une femme de mouvement, de vision et de liberté. Rencontre.

« Sonal, tu es à l'affiche du film The Great Departure, réalisé par Pierre Filmon et en salles le 12 novembre. Tu es scénariste, productrice exécutive et actrice sur ce projet. Comment est-il né ? Qu'est-ce qui t'a poussée à raconter cette histoire ?
J'ai écrit ce film pendant la pandémie de Covid. C'était une période d'introspection. Le monde étant à l'arrêt, nous nous sommes tous repliés sur nous-mêmes. Nous avons porté un regard sur nos vies. Nous avons fait une pause pour réfléchir. Nous avons eu le temps de parler longuement avec nos amies. Pas seulement de brefs échanges de SMS. Lors de mes nombreuses conversations avec les femmes de mon entourage, j'ai senti que chacune d'entre elles luttait discrètement contre le patriarcat, sous une forme ou une autre. Ce sont des femmes instruites, certaines occupant même des postes à responsabilités, qui se sentaient écrasées au quotidien. Quelque chose s'est éveillé en moi : l'envie de raconter cette histoire. C'est l'histoire de beaucoup de femmes que je connais. Mon désir de réaliser ce film a alimenté le projet. J'ai trouvé le réalisateur, l'acteur principal, et une fois ces deux éléments confirmés, je me suis mise en quête d'investisseurs. C'était comme… Si le destin s'en était mêlé, j'ai rencontré Arvind Reddy, qui cherchait justement à relancer la société de production de son grand-père. Arvind a accepté de produire le film, et le reste appartient à l'histoire.
Comment décrirais-tu ton personnage ?
Mansi est la quintessence de la femme indienne. Une bonne épouse, une bonne fille, une bonne mère. Et, pour couronner le tout, une femme-trophée. Elle soigne son apparence, est instruite et représente la partenaire idéale pour briller en société. Elle est tout pour les autres, mais, hélas, elle ne s’accorde rien à elle-même. Ses rêves, ses désirs, son bonheur, elle a appris à les refouler. C’est ce qu’une femme bien doit faire, lui a-t-on répété toute sa vie. Bien que j’aie écrit ce personnage du point de vue d’une Indienne, je suis parfaitement consciente qu’il existe un équivalent en Occident. C’est pourquoi une histoire comme celle-ci transcende les frontières. D’ailleurs, lors de l’avant-première à Paris, de nombreuses Françaises sont venues me voir après la projection pour me dire à quel point elles se reconnaissaient en ce personnage.

Quel réalisateur est Pierre Filmon et quel partenaire de jeu est Xavier Samuel ?
Pierre est un documentariste primé et je souhaitais l'intégrer à ce projet car un road movie se doit d'avoir une dimension documentaire. Travailler avec Xavier est un vrai bonheur. Il est extrêmement généreux, notamment dans l'échange d'énergie lors des scènes. Une bonne alchimie repose sur le dialogue. Et comme on dit, on ne vaut que par son partenaire. Le jeu d'acteur consiste en grande partie à réagir. Ce fut une collaboration formidable. Il est arrivé à Varanasi dix jours avant le tournage et nous avons passé chaque minute à peaufiner le scénario. Nous avons répété encore et encore jusqu'à ne faire qu'un avec nos personnages. Je pense que la fluidité de nos scènes est palpable. Xavier a travaillé avec les plus grandes stars hollywoodiennes – Ana de Armas dans BLONDE, Robin Wright et Naomi Watts dans ADORE, Kate Beckinsale dans LOVE & FRIENDSHIP – et il apporte cette expérience sur le plateau. Il est humble, discipliné, bien préparé et toujours prêt à soutenir ses partenaires !
Le tournage s'est déroulé sur 27 jours à Varanasi et dans ses environs. Quels souvenirs gardes-tu de ce tournage ? Comment décrirais-tu Varanasi et ses alentours ?
Varanasi est une expérience difficile à décrire. La ville est très animée, mais une certaine sérénité règne au milieu de ce chaos. Il y a quelque chose dans cette ville qui invite à l'introspection. Comme si, instinctivement, le bruit ambiant s'éteignait et que l'on se recentrait sur soi. Tout le monde sait que c'est un « lieu spirituel », une « ville sainte », mais je l'ai vraiment ressenti. En tant qu'actrice principale, scénariste et productrice exécutive, j'avais beaucoup à faire. Mais la ville, le Gange qui coule, ont su dissiper le stress. J'ai aussi eu la chance de travailler avec une équipe formidable. Chacun était pleinement investi dans l'expérience et a donné le meilleur de lui-même. Nous avons tourné de longues heures sous une chaleur accablante. Ce film n'aurait pas été possible sans la contribution de chacun d'entre eux.
Dans le film, j'ai beaucoup aimé cette phrase : « Nous avons beaucoup à désapprendre sur les autres. » Qu'est-ce que cela signifie pour toi ?
Nous avons souvent des idées préconçues sur les personnes que nous ne connaissons pas. Nous portons des jugements de loin. En grandissant, on m'a toujours inculqué l'idée que les Occidentaux sont d'une certaine manière. Nous avons tendance à catégoriser les gens et à les étiqueter. En vieillissant et en voyageant à travers le monde, je réalise que nous avons effectivement beaucoup à désapprendre les uns des autres.
Le film nous plonge également au cœur de la culture indienne et de ses traditions...
L'Inde, c'est avant tout sa culture et ses traditions. Et ses couleurs. Et ses odeurs. Et ses épices. Et son amour. L'Inde est une expérience sensorielle. Et l'hospitalité indienne vous réchauffera le cœur comme jamais auparavant. En Inde, nous considérons qu'un invité à votre porte est un ange. Si vous frappez à la porte d'une maison en Inde et demandez à manger, croyez-moi, vous serez nourri. Peu importe que vous soyez un étranger ou la quantité de nourriture que la famille possède. Ils ne vous laisseront pas repartir les mains vides. Essayez.

Comment est né ton désir de devenir actrice ? Quel rôle le cinéma a-t-il joué dans ton enfance et ton adolescence ?
Enfant, en Inde, nous n'avions pas de dessins animés à l'époque, et tous les dimanches, une heure de films de Charlie Chaplin était diffusée à la télévision locale. Je me levais le dimanche uniquement pour Charlie Chaplin ! Il illuminait mon monde. J'ai une anecdote amusante à ce sujet. En Inde, surtout dans la classe moyenne, l'accent est mis énormément sur les études. Dès l'âge de quatre ans, on choisit le futur métier des enfants. C'est à cet âge que les parents commencent à semer des graines dans leur esprit. Alors, si vous demandez à un enfant ce qu'il veut faire plus tard, il répondra : « Médecin, ingénieur, pilote, etc. ». Or, à quatre ans, quand on me posait la question, je disais : « Je veux devenir Charlie Chaplin ». Je suppose que même si je ne comprenais rien au cinéma ni au métier d'acteur, je comprenais la joie qu'un acteur apporte à nos vies. Je voulais apporter de la joie aux gens. En vieillissant et en comprenant mieux le sens profond de ces films de Chaplin, j'ai ressenti le besoin de partager moi aussi des histoires. J'aime également jouer la comédie car, le temps d'un instant, on devient quelqu'un d'autre. Une fois sur le plateau, je laisse tout à la maison : mon stress, mes problèmes, mes relations. J'adore vivre la vie des personnages que j'incarne à l'écran.
Te souviens-tu de ton premier tournage ?
Oui, bien sûr. Son premier film est toujours un moment particulier. J’ai eu la chance de travailler avec mon réalisateur préféré de Bollywood, Nagesh Kuknoor. J’ai toujours été une grande fan de son travail. Il est connu pour ses films acclamés par la critique. AASHAYEIN (2010) était mon premier film, aux côtés de la superstar de Bollywood John Abraham, et il restera à jamais gravé dans mon cœur.
Comment as-tu appris ce métier ?
J’ai été assistante réalisateur auprès d’un réalisateur très célèbre, Pradeep Sarkar. Il nous a quittés. Dada (surnommé affectueusement « Big Brother » à Bollywood) était mon mentor. J’ai appris en observant les acteurs sur le plateau. J’ai aussi appris en regardant les films de grands acteurs internationaux. Bien que je n’aie pas de formation d’acteur, j’ai étudié la réalisation à New York avant de me lancer dans l’écriture de scénarios et la production.
Quels sont tes prochains projets ?
Mon prochain long métrage, en tant qu’acteur, scénariste et producteur, se déroulant en Europe, débutera début 2026.
Pour conclure cet entretien, aurais-tu une citation fétiche à me délivrer ?
« Je veux que ma vie soit une aventure, pas une course effrénée. » C’est ma citation, je ne l’ai pas empruntée ! »







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